Champs lexicaux sensoriels et induction hypnotique : une question de temps
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Les bénéfices de l’hypnose dans les prises en charge périopératoire ont été démontrés dans de multiples études. Néanmoins sa généralisation dans les pratiques semble freinée par différents facteurs, notamment la notion de temps omniprésente dans l’organisation du bloc opératoire. L’objectif principal de cette étude est d’analyser le contenu du discours des hypnothérapeutes au cours de l'induction hypnotique afin de déterminer quels sont les facteurs impliqués dans la vitesse d'induction de la transe hypnotique, en particulier, le champ lexical lié aux canaux sensoriels (Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif).
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective, observationnelle, ancillaire d’une étude prospective visant à trouver des biomarqueurs spécifiques de la transe hypnotique en magnétoencéphalographie. Les autorisations d’utilisation des données de l’étude princeps ont été reprises. La population incluse est de 19 volontaires sains, vierges de toute expérience hypnotique. Lors de cette étude, le discours des différents hypnothérapeutes a été enregistré au cours de l’induction de trois transes hypnotiques successives. L’analyse des retranscriptions a permis de déterminer le pourcentage des différents champs lexicaux utilisés. Les délais d’induction ont été comparés en fonction du champ lexical majoritaire, de l’hypnothérapeute intervenant, de la suggestibilité du participant (Score de Stanford) et de la répétition des transes dans des analyses de survie univariées puis multivariées.
Résultats & Discussion
57 inductions hypnotiques réalisées par 3 hypnothérapeutes ont été analysées. Les délais d’induction ont une médiane de 224 secondes (de 75 à 600 secondes). Le champ lexical le plus utilisé pour induire la transe hypnotique est le champ kinesthésique. En analyse multivariée, la vitesse d'induction de la transe hypnotique est associée à un champ lexical mixte utilisant plusieurs canaux sensoriels simultanément (p= 0,03), mais aussi à l'hypnothérapeute (p<0,01), à la répétition des transes (p<0,01) et à la suggestibilité du participant (p<0,05).
Conclusion
Cette étude confirme que la suggestibilité initiale et la répétition des transes facilitent l’induction hypnotique, et qu'il existe une forte individualisation de l’alliance thérapeutique. Ces résultats apportent également une réflexion sur l'intérêt de l’utilisation du canal sensoriel préférentiel pour l’induction hypnotique. Aussi, l’utilisation d’un champ lexical mixte facilite l’entrée en transe et contrairement aux idées reçues, l’hypnose n’est pas chronophage. Il serait pertinent de confirmer les résultats de cette étude sur un effectif plus étoffé, d’hypnothérapeutes et de patients, en situation réelle. Cela permettrait de lever un des freins à son utilisation et d’organiser sa pratique quotidienne au bloc opératoire.
Auteurs
Charlotte BREUIL (1) , Rejane CRENN (1), Lilia LANGAR (2), Marion COQUANT-GANDIT (2), Véronique ALBALADEJO (3), Daniel ANGLADE (3) - (1)Ifps Univ Grenoble Alpes, France, (2)Cea, Leti, Univgrenoblealpes, France, (3)Chu Grenoble, France