Une sieste la nuit pour améliorer la cognition des soignant.e.s en réanimation ? L'étude SOMCARE
Position du problème et objectif(s) de l’étude
La permanence des soins impose le travail de nuit pour les soignant.e.s. Or cette période et la fatigue engendrée favorisent la survenue d'événements indésirables au cours de nos prises en charge. De plus, la dette de sommeil a des conséquences sur la santé. A l’inverse, les siestes courtes - une trentaine de minutes - améliorent les capacités d’attention à moyen terme. L’objectif principal de cette étude est de montrer que la mise en place de siestes courtes lors d’une période de travail de nuit en réanimation améliore les performances cognitives des soignant.e.s en fin de nuit.
Matériel et méthodes
SOMCARE est une étude en quatre phases, conduite entre décembre 2024 et mai 2025, prospective, descriptive et monocentrique dans une réanimation chirurgicale de CHU. (Autorisation de la DRCI, méthodologie de référence MR004. Déclaration 2205066 v0 du 14/08/2018). Le critère d’inclusion était d’être paramédical dans le service. Le critère d’exclusion était le refus de participation. Les tests d’empan mnésique numérique endroit (annexe 1) étaient réalisés en fin de nuit, avant et après introduction de siestes courtes. Les habitudes de vie et d’hygiène de sommeil des participant.e.s étaient récupérées via un autoquestionnaire lors de la phase 2, répété lors de la phase 4. (Figure 1). Le critère de jugement principal était la différence entre les moyennes des empans au cours des phases 1 et 3. Les critères de jugement secondaires étaient la présence d’inertie du sommeil, la sensation de fatigue en fin de nuit, la modification des habitudes des soignant.e.s.
Résultats & Discussion
Les 90 soignant.e.s de la réanimation ont été screené.e.s. 47 soignant.e.s (52%) ont été inclu.e.s dans l’étude sur la base du volontariat. 114 tests ont été réalisés lors de la phase 1. L’empan moyen était de 4,68 (écart-type 1,38). La médiane était de 4 (Q1=4, Q3=6). Les inclu.e.s sont majoritairement des femmes (79.2%), IDE (60.4%) entre 18 et 50 ans (100%). 36 travaillent selon un équilibre jour/nuit (75%) et 11 (23%) majoritairement de nuit. 23 interrogé.e.s (48,9%) déclarent des troubles du sommeil, entre 1 et 3 fois par semaine pour 14 soignant.es (60%), quotidiennement pour 5 autres (21%). Les troubles peuvent survenir par période, surtout lors du travail de nuit (n=10, 43,8%), parfois en période de jour (n=3, 13%) ou lors de la transition entre les deux (n=2, 8,7%). 3 (6.5%) souffrent d’une somnolence excessive quotidienne ou presque et 5 (10.4%) rapportent un accident dû à la somnolence l’année passée. 33 soignant.e.s (70,2%) luttent contre l’endormissement au travail la nuit contre 14 (29,2%) le jour. Cela entraîne une perte de réflexe plusieurs fois par semaine pour 5 soignant.e.s (10,4%), rarement pour 30 autres (62,5%). La phase 3 est actuellement en cours. Sans sieste, les empans sont inférieurs à la norme en population générale (7±2). La sieste est désormais proposée dans le service. Les premiers retours informels sont encourageants, avec des soignant.e.s globalement ravis de sa mise en place. Nous espérons donc qu’elle permettra d’observer une amélioration des empans et des critères secondaires en phases 3 et 4. Toutefois, la pratique de la sieste reste freinée par la charge de travail, l’inadéquation des locaux et une autocensure liée à la culpabilité de dormir quand d’autres travaillent.
Conclusion
Si la sieste courte la nuit en réanimation plait globalement aux soignant.e.s, nous attendons donc la fin de l'étude pour voir son impact sur leurs capacités cognitives en fin de nuit.
Auteurs
Lucile DE KERVERN, Laura AMOROSO, Lucile GAIDE-CHEVRONNAY, Alexandre BEHOUCHE, Stéphane PRIEM - (1)Chu, Grenoble, France