Efficacité et sécurité d'une stratégie de drainage thoracique antérieur précoce dès l’admission des pneumothorax menaçants, guidée par l’association clinique-échographie : analyse rétrospective dans un centre de traumatologie de niveau 1
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Le pneumothorax compressif est une complication grave, fréquente et précoce chez les traumatisés sévères imposant une décompression pleurale en urgence, le plus souvent complété par un drain thoracique. Dans notre centre, nous avons mis en place une stratégie de drainage précoce, par abord chirurgicale et voie antérieure, systématiquement avant scanner. Celle-ci est déclenchée sur des critères cliniques et/ou l’E-FAST, sans réalisation de radiographie du thorax. L’objectif de ce travail était de décrire cette stratégie, et de démontrer sa sécurité et son efficacité.
Matériel et méthodes
Tous les patients traumatisés sévères admis dans notre centre de traumatologie de niveau I entre janvier 2017 et décembre 2022 ont été inclus s’ils présentaient une lésion thoracique (AIS ≥ 1). Les critères d’exclusion étaient les traumatismes ouverts, les patients drainés durant la phase pré-hospitalière ou les transferts secondaires. Les drainages antérieurs ont spécifiquement été analysés, ainsi que leur timing (avant ou après scanner) et les complications associées (malposition et placement intra-parenchymateux). La population a été stratifiée entre patients ventilés et patients non-ventilés avant leur transfert au scanner.
Résultats & Discussion
Parmi les 1570 patients admis dans notre centre avec un traumatisme thoracique, 1111 ont été analysés. L’âge moyen était de 43 ± 20 ans, le score ISS médian de 24 [EI 14-34], et le score AIS thorax médian de 2 [EI 2-4]. Cinq cent vingt patients (47%) étaient sous ventilation mécanique avant la réalisation du scanner. Au total, 157 patients (14%) ont bénéficié d’un drainage précoce avant scanner (11% non-ventilés versus 18% ventilés, P=0.002), dont 25 (2%) de façon bilatérale. Parmi ces drains, 4% étaient extra-pleuraux (7/182), et 3% intra-parenchymateux (5/182). Aucune de ces lésions induites n’a nécessité de geste chirurgical. Par ailleurs, 29 autres patients (3%) ont bénéficié d’un drainage de pneumothorax dans l’heure suivant le scanner, dont 8 (1%) présentaient un caractère compressif clinique. Aucun d’entre eux n’a présenté d’arrêt cardiaque dû à une forme compressive au scanner ou au décours.
Conclusion
Nous avons décrit dans une large population de traumatisés sévères avec atteinte thoracique fermée sur une période de 6 ans, une stratégie de drainage thoracique systématique et précoce, réalisée avant scanner et par abord chirurgical antérieur. Notre étude démontre ainsi que cette pratique s’affranchissant de la radiographie du thorax était associée avec des drainages fréquents (14% dans notre cohorte, soit 1 patient sur 7), mais des taux de complications et de malpositions très faibles. Ce type de prise en charge réduit en conséquence considérablement le risque d’arrêt cardiaque ou de choc compressif durant la prise en charge initiale.
Auteurs
Hugues WEBER, Alicia BAUDOUY, Camille DEBORDES, Pauline DERAS, Geoffrey DAGOD, Elie COURVALIN, Mehdi GIRARD, Karim BOUCHDOUG, Xavier CAPDEVILA, Jonathan CHARBIT - (1)Hôpital Lapeyronie, Département D'anesthésie Réanimation Lapeyronie, Montpellier, France