Prise en charge des patients traumatisés cardiaques pénétrants : expérience d’un trauma center de niveau 1
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Les traumatismes cardiaques pénétrants (TCP) sont rares mais grevés d’une mortalité importante atteignant 65% dans les cohortes internationales (1-3). Il n’y a pas de données françaises ou européennes alors que les mécanismes lésionnels, délais préhospitaliers et accès à la chirurgie diffèrent. Objectif principal : décrire la prise en charge médico-chirurgicale des TCP et leur mortalité.
Matériel et méthodes
Cette étude monocentrique, rétrospective a inclus les patients consécutifs admis au déchocage d’un centre de traumatologie de niveau 1 dans les suites d’un traumatisme pénétrant avec atteinte cardiaque entre janvier 2001 à décembre 2024. L’atteinte cardiaque était définie par un épanchement péricardique à l’imagerie ou constatée en per-opératoire. Les données démographiques, médico-chirurgicales et pronostiques étaient recueillies et comparées par test non paramétriques. Les facteurs de risque de mortalité étaient évalués en régression logistique univariée.
Résultats & Discussion
Ont été inclus 105 patients avec un TCP. Ils étaient âgés de 37 [28-49] ans et étaient majoritairement de sexe masculin (n=88, 84 %). Leur nombre augmente au cours du temps (fig. 1). Les plaies étaient souvent multiples (2 [1-4]), principalement causées par arme blanche (n=90, 86%), et prédominaient sur l’hémithorax gauche (n= 80, 77%). À l’admission, seuls 46 (44 %) patients étaient en état de choc et 11 (10%) étaient en ACR. Parmi les 87 (83%) patients ayant bénéficié d’une eFAST, seuls 61 (70%) présentaient un épanchement péricardique. Les TCP observés étaient principalement une lésion péricardique isolée, une plaie d’une cavité cardiaque, principalement du VD et du VG, ou une lésion coronaire. Ils s’accompagnaient souvent d’autres lésions : pneumothorax (n=40, 54 %), hémothorax (n=42, 57%), atteintes médiastinales (n=30, 41%), abdominales (n=25, 29 %) et osseuses (n=28, 28 %). Dans 83 % des cas une intervention chirurgicale était nécessaire, effectuée dans 75% des cas (n=64) dans les 6 1ères heures. Sept patients (7%) étaient opérés immédiatement , sans imagerie préalable. L’intervention, souvent pluridisciplinaire (fig. 2), ne nécessitait de circulation extracorporelle que chez 6 patients (9 %). La mortalité était de 14 % (n=14), stable au cours du temps (fig. 1). Le délai avant décès était de 2 [1-5] jours. Les facteurs associés à la mortalité hospitalière étaient un ACR préhospitalier récupéré (OR=163,1, IC95% (29,9-1471,3)), la présence d’un choc hémorragique (OR=3,8, IC95% (1,2-12,4)) ou cardiogénique (OR=5,8, IC95% (1,5-21,4)). Une plaie de l’hémithorax gauche n’était pas un facteur de risque de mortalité (OR=1.2, IC95% (0.9-1.3)). Les lésions cardiaques suivantes n’étaient pas associées à une mortalité plus élevée qu’une lésion péricardique isolée : lésion d’une cavité cardiaque (OR=1,4, IC95% (0,4-1,5)) ; lésion coronaire (OR=4,3, IC95% (0,2-52,5)) ; lésion valvulaire (OR=8,7, IC95% (0,3-52,5)).
Conclusion
Les traumatismes pénétrants avec atteinte cardiaque admis vivants à l’hôpital sont peu fréquents mais survivent majoritairement. Ils doivent être systématiquement suspectés en cas de plaie pénétrante du tronc, tant la diversité de leur présentation clinique préhospitalière et échographique peut les masquer. Ils requièrent une gestion médicale spécialisée et très souvent une intervention chirurgicale multidisciplinaire immédiate. Ces patients, de plus en plus fréquents, doivent être orientés sans délai vers des centres de traumatologie de niveau 1 disposant de la chirurgie cardiaque.
Auteurs
Daphné JOURNOUD (1), Elodie LANG (1), Emmanuel ROZENBERG (1) , Igor JURCISIN (1), Gersende FAVE (1), Charles-Henri GAUTIER (2), Anne GODIER (1), Bernard CHOLLEY (1) - (1)Service D'anesthésie-Réanimation, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris, France, (2)Service De Chirurgie Cardiaque, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris, France