Dans quelle proportion l’échographie gastrique peut-elle modifier la stratégie anesthésique en chirurgie urgente : une étude prospective monocentrique
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L’échographie gastrique constitue une méthode non invasive, fiable et reproductible pour l’évaluation du risque d’inhalation lors de l’induction anesthésique. [1]. Toutefois, la plupart des études sur le sujet ont été menées sur des populations de patients opérés de chirurgies urgentes et programmées [2]. Notre hypothèse est que l’évaluation échographique du contenu gastrique permettrait d’optimiser la stratégie anesthésique en chirurgie urgente., L’objectif principal est d’évaluer l’impact de l’échographie gastrique sur la modification du protocole en chirurgie urgente. L’objectif secondaire est d’évaluer l’incidence des complications au cours de l’induction anesthésique.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude prospective monocentrique (2023-2024, bloc des urgences, accord éthique). Tous les patients adultes ayant bénéficié d’une échographie gastrique préopératoire (évaluations qualitative et quantitative) pour une chirurgie urgente ont été inclus. Les données cliniques collectées comprenaient la classification ASA, le jeûne préopératoire, la prise de médicaments ralentissant la vidange gastrique et les symptômes digestifs actuels. Le critère de jugement principal était la modification de la stratégie d’induction anesthésique statuée initialement au cours de la consultation d’anesthésie. Et cela, au regard des résultats de l’échographique gastrique (i.e. décision réaliser une induction anesthésique en séquence rapide (ISR) plutôt qu’une induction anesthésique non-ISR, ou inversement). Le critère de jugement secondaire était l’occurrence des complications à l’induction anesthésique (inhalation gastrique, désaturation en oxygène, instabilité hémodynamique). L’analyse statistique reposait sur des tests de Chi² pour la comparaison des variables qualitatives, et des tests de Mann-Whitney U pour l’analyse des variables quantitatives non paramétriques.
Résultats & Discussion
Un total de 1417 patients a été inclus. L’âge moyen était de 61 [42-45] ans. La population étudiée comprenait 59% d’hommes. Les patients étaient classés ASA I-II pour 53% des cas. Il s’agissait d’interventions orthopédiques (29%), neurochirurgicales (25%) et abdominales (18%). Pour 550 (39%) patients, l’échographie était en faveur d’un estomac vide. Aucune différence significative n’a été retrouvée concernant les données cliniques et anamnestiques entre les groupes ISR ou non-ISR. L’échographie gastrique a conduit à un changement de stratégie d’induction anesthésique dans 28 % des cas. Concernant les 385 patients pour lesquels une ISR était initialement prévue, 75 (19%) ont vu leur stratégie anesthésique modifiée pour une induction anesthésique non-ISR. Concernant les 1032 patients pour lesquels une induction anesthésique non-ISR était prévue, 319 (31%) ont vu leur stratégie anesthésique modifiée pour une ISR. In fine, l’incidence des complications au cours de l’induction anesthésique était identique que la stratégie d’induction anesthésique ait été une ISR ou une induction non-ISR.
Conclusion
La stratégie d’induction anesthésique pourrait être modifiée dans près d’un tiers des cas par le recours à l’échographie gastrique en chirurgie urgente, et ce sans induire de sur risque de
complication anesthésique. Ces résultats positionnent l’échographie gastrique comme un outil décisionnel incontournable de la stratégie d’induction anesthésique en chirurgie urgente. De futures études multicentriques devraient venir conforter ces conclusions.
Auteurs
Gabriel BOURREAU, Valentin LEFRANÇOIS, Rémi HESTIN, Kevin DUPONT, Théophane DOUBLET, Jean-Philippe SALAUN, Jean-Luc HANOUZ - (1)Medecin, Caen, France