17 septembre 2025
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Anaphylaxie aux curares d’action rapide : étude observationnelle sur leur usage

Position du problème et objectif(s) de l’étude

L’anaphylaxie peropératoire est un évènement rare mais qui peut être grave et menacer le pronostic vital du patient. L’allergie aux curares est la première cause d’anaphylaxie péri-opératoire dans de nombreux pays depuis des décennies. Les agents les plus couramment responsables sont les curares d’action rapide. L’utilisation de ces molécules est guidée par des textes publiés par des experts et obéit à des règles de sécurité. Bien que cela n’aille pas à l’encontre des référentiels professionnels, l’usage des curares d’action rapide, semble donc à réserver aux situations imposant un contrôle rapide des voies aériennes et nécessitant une induction séquence rapide (ISR). Dans ce contexte, il est pertinent de se questionner sur les justifications médicales de l’emploi de curares d’action rapide ayant conduit à une réaction anaphylactique grave.

Matériel et méthodes

Nous avons mené une étude observationnelle rétrospective, descriptive et monocentrique. Nous avons inclus tous les patients ayant présenté une réaction anaphylactique peropératoire avérée au suxaméthonium ou au rocuronium entre 2017 et 2023 et analysé les raisons de l'utilisation de ces curares. Un questionnaire a également été diffusé afin d’approfondir les motivations des anesthésistes sur l’emploi de ces curares. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer la justification de l’usage du suxaméthonium ou du rocuronium chez les patients ayant présenté une anaphylaxie à l’un de ces 2 produits. Nous avons considéré l’utilisation des curares d’action rapide comme adéquate lors des situations suivantes : Risque d’inhalation, situation d’urgence, abord des voies aériennes difficile, prévu ou constaté, électroconvulsivothérapie pour le suxaméthonium.

Résultats & Discussion

Nous avons analysé 60 patients ayant fait une réaction anaphylactique aux curares d’action rapide dont 42 (70%) de grade III. Le suxaméthonium était responsable de 24 (40%) d’entre elles et le rocuronium 36 (60%). Au total, 14 (23 %) des patients ne présentaient pas de critère médical justifiant l’usage des curares d’action rapide. Tous ces usages « hors indication ISR » concernaient l'administration de rocuronium (1 décès est survenu dans ce groupe). Nous avons reçu 101 réponses à notre questionnaire. D’après celui-ci, les anesthésistes utilisent le suxaméthonium uniquement en cas d’indication médicale d'ISR. Quant au rocuronium, 32% des praticiens l'utilisent pour ses caractéristiques pharmacologiques, dont sa réversion facile, en dehors de l’ISR. Cette étude s’intéresse pour la première fois au rationnel médical sous-jacent à utilisation des curares d’action rapide au bloc opératoire. Elle permet de se pencher sur la justification d’emploi de produits à fort risque allergique. D'après nos résultats et après la restriction d’utilisation du suxamethonium de 2018, l’emploi du rocuronium peut être questionné car il est autant allergisant que le suxaméthonium. Les données recueillies auprès des praticiens au travers de notre questionnaire semblent être en accord avec notre étude.

Conclusion

Notre étude suggère une utilisation significative de rocuronium, qui est un curare à haut risque anaphylactique, en dehors d’un contexte imposant absolument un curare d’action rapide. Nos résultats doivent probablement inciter à sensibiliser les anesthésistes au risque anaphylactique du rocuronium et à interroger la balance bénéfice-risque de l’utilisation de cette molécule dans les situations n’imposant pas son usage.

Auteurs

Mélanie COTTENCEAU (1) , Sébastien FRANCHINA (2) - (1)Auteur, Rouen, France, (2)Co Auteur, Rouen, France

Orateur(s)