17 septembre 2025
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Anaphylaxie à la céfazoline et aux curares en périopératoire : étude comparative du profil clinique et biologique

Position du problème et objectif(s) de l’étude

L’anaphylaxie en péri-opératoire est un challenge pour les praticiens en anesthésie réanimation. En France, selon la dernière enquête du GERAP (Groupe des Études des Réactions Anaphylactiques Peranesthésiques) les deux agents les plus incriminés sont les curares (atracurium, cisatracurium, succinylcholine et rocuronium, 60 % des cas) et les antibiotiques, notamment la céfazoline (13 % des cas). Les quelques études qui s’intéressent à la céfazoline suggèrent un profil allergénique atypique, notamment un délai de réaction plus long (Lobera et al. 2008, Gurrieri et al. 2011, Horiuchi et al. 2021). L’objectif de notre étude est de comparer le profil clinique et biologique de l'hypersensibilité immédiate à la céfazoline avec l’hypersensibilité immédiate aux curares, afin d'optimiser sa gestion en péri-opératoire.

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude observationnelle analytique rétrospective menée au sein d’un CHU. Elle inclut les patients majeurs ayant présenté une réaction allergique à la céfazoline ou aux curares en péri-opératoire entre 2005 et 2024, confirmée par un test cutané positif, identifiés à partir d’une recherche dans l’Entrepôt de Données en Santé régional. Le protocole a reçu un avis favorable du Comité d’Éthique de la Recherche du CHU concerné (avis n°E2024-88). Le critère de jugement principal était le délai d'apparition des symptômes après administration de l'agent responsable de la réaction allergique. Les critères de jugement secondaires étaient le type de symptômes, le grade de la réaction selon Ring et Messmer, l’administration d’amines (bolus et IVSE), la nécessité d’hospitalisation en réanimation ou en USC et les dosages biologiques en tryptase et en histamine.

Résultats & Discussion

Au total, 44 patients ont été inclus dans le groupe céfazoline et 112 dans le groupe curares, majoritairement des femmes sans terrain atopique ni antécédent allergique (Figure 1). Le délai d’apparition des symptômes d’anaphylaxie à la céfazoline était significativement plus long que pour les curares (21 minutes contre 3 minutes en moyenne, p < 0,001 ; Figure 1). La réaction à la céfazoline semblait moins sévère (moindre grade selon Ring et Messmer, moins de recours aux bolus d’adrénaline, moins d’hospitalisation en réanimation ou en unité de surveillance continue). Lorsqu’un support catéchol-aminergique en perfusion continue était nécessaire, son sevrage était plus long (Figure 1). La libération de tryptase était moins intense que chez les patients ayant réagi aux curares (Figure 1).

Conclusion

Le profil allergénique de la céfazoline est atypique : la réaction survient plus lentement, elle est moins grave mais dure plus longtemps. Il faut en tenir compte lors de la gestion d’une anaphylaxie en péri-opératoire : la céfazoline devrait être administrée en injection lente pour pouvoir suspendre la perfusion en cas de symptômes, et les patients devraient systématiquement être surveillés 24h en soins intensifs compte tenu du délai de sevrage en cas de recours aux amines. Par ailleurs, une consultation d’allergo-anesthésie à distance de l’évènement aigu reste indispensable afin d’identifier formellement l’allergène responsable de la réaction.

Auteurs

Havana MICHOLET-SCANDOLO, Sébastien FRANCHINA - (1)Chu Charles Nicolle, Rouen, France

Orateur(s)