17 septembre 2025
315

Incidence, indications et effets indésirables de l’adrénaline en période périopératoire : une étude rétrospective de 11 ans

Position du problème et objectif(s) de l’étude

L’adrénaline est utilisée en anesthésie lors de situations critiques telles que l’anaphylaxie, l’arrêt cardiaque ou l’hypotension sévère. Malgré son efficacité, son utilisation peut induire des effets indésirables, notamment à fortes doses. Peu d’études ont évalué son utilisation en pratique réelle périopératoire. Cette étude vise à décrire l’incidence, les indications et les effets indésirables liés à son administration au bloc opératoire.

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique incluant des patients adultes ayant reçu une injection intraveineuse d’adrénaline au bloc opératoire entre janvier 2012 et décembre 2023, hors chirurgie cardiovasculaire, thoracique et pédiatrique. Les indications et complications ont été recueillies manuellement à partir des comptes rendus anesthésiques et des dossiers médicaux. Les caractéristiques cliniques et démographiques des patients ont été extraites d’un entrepôt de données hospitalier. La mortalité à 3, 6 et 12 mois a été obtenue à partir du registre national de l’INSEE. Les analyses statistiques étaient descriptives, complétées par une régression logistique multivariée afin d’identifier les facteurs associés à la survenue d’effets indésirables. La base de données utilisée a été enregistrée auprès du Délégué à la Protection des Données (référence : DEC24-172) et a reçu un avis favorable du comité scientifique et éthique local en date du 19 avril 2024.

Résultats & Discussion

Sur 711 400 anesthésies générales réalisées, 616 patients ont reçu de l’adrénaline par injection intraveineuse. L’incidence était de 1,1 pour 1 000 procédures. Les indications principales étaient l’arrêt cardiaque (33,9 %), l’anaphylaxie (26,8 %) et l’état de choc (35,2 %). La mortalité à 3 mois variait selon l’indication : 3 % en cas d’anaphylaxie, 30 % en cas de choc et 70,3 % après arrêt cardiaque. Des effets indésirables ont été observés chez 75 % des patients : l’hypertension (>140/90 mmHg) concernait 48,8 % des cas, la tachycardie (>130 bpm) 50,6 %, et une hypertension sévère (>180/110 mmHg) 30,1 %. Le MINS a été retrouvé dans 8 % des cas, avec une fréquence plus élevée dans les états de choc (15,7 %). Le syndrome de Takotsubo a été observé dans 3,4 % des cas, principalement après arrêt cardiaque. La relation entre la dose cumulée d’adrénaline et la mortalité à 3 mois toute indication et , est présentée dans la figure 1. Une relation entre la dose totale administrée et la survenue d’effets indésirables a été mise en évidence (p < 0,001). L’analyse multivariée a identifié l’administration pour anaphylaxie comme facteur protecteur (OR = 0,576, p = 0,021), tandis que l’augmentation de la dose totale (OR = 1,014 par 100 μg, p = 0,011) et l’usage de bêtabloquants (OR = 1,83, p = 0,032) étaient associés à un risque accru d’effet indésirable.

Conclusion

Cette étude, conduite sur plus de dix ans dans un centre tertiaire, montre que l’administration d’adrénaline en peropératoire reste rare mais associée à des effets indésirables fréquents, en particulier à des doses élevées dans des situations déjà à risque de complications. Des recherches sont à poursuivre afin de déterminer la dose optimale pour chaque indication, afin de maximiser l’efficacité tout en limitant les risques de son utilisation.

Auteurs

Damien ROUSSELEAU (1) , Lucas CHENAU (1), Cedric CIRENEI (1), Charlotte FERRAN (2), Alexandre BOURGEOIS (1), Gilles LEBUFFE (1) - (1)Clinique D’anesthésie Réanimation Et De La Douleur, Hôpital Huriez, Chu De Lille, 59037 Lille Cedex., Lille, France, (2)Include Entrepot De Données, Chu Lille, Lille, France

Orateur(s)