Hypoxémie lors de l'intubation chez le nourrisson 0-2 ans : intérêt du Rocuronium lors d'une induction inhalatoire au Sévoflurane
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L'hypoxémie est fréquente chez le nourrisson lors de l'intubation (36%)1 Le rocuronium (Rocu) semble améliorer les conditions d'intubation (CI) chez le nourrisson2 et notre hypothèse est qu'il pourrait par ce biais limiter les évènements respiratoires. Les objectifs de notre étude étaient d'évaluer l'intérêt du Rocu pour diminuer l'hypoxémie lors d'une induction inhalatoire avec intubation, et d'évaluer le lien entre CI et hypoxémie, chez les nourrissons < 2 ans.
Matériel et méthodes
Après accord du CPP puis information et recueil du consentement des 2 parents, 412 nourrissons (0-24 mois) ASA I-II devant bénéficier d'une anesthésie générale avec intubation, par induction inhalatoire, ont été inclus dans une étude prospective randomisée multicentrique en triple insu (MAR, patient, évaluateur) comparant un groupe avec Rocu (0,3 mg/kg) et un groupe Placebo (NaCl 0,9%). Tous les nourrissons étaient pris en charge comme suit: Induction par sévoflurane 6% en FiO2 100%- Prise de voie veineuse- Sufenta 0,2 µg/kg IVD (T1)- mise en ventilation en pression controlée- Injection de Rocu ou de Placebo à T1 + 3 min- Laryngoscopie à T1 + 5 min. L'étude prenait fin 5 min après la complétion de l'intubation. Un nombre d'intubation chez le nourrisson > 100 définissait un MAR sénior. Les données hémodynamiques, du ventilateur et d'oxymétrie étaient filmées, enregistrées et analysées dans un second temps. L'incidence de l'hypoxémie (SpO2< 90%) était le critère principal de jugement. Les CI, le nombre de tentatives, la durée d'hypoxémie et sa sévérité, les évenements significatifs (bronchospasme, laryngospasme, bradycardie, hypotension (variation > 30% de valeur de base) étaient relevés et analysés. La comparaison du résultat principal a été effectuée à l'aide d'une régression logistique mixte ajustée sur les facteurs de risque connus pour les événements respiratoires : l'expérience du MAR, l'infection respiratoire (IVAS) dans les 4 semaines, le tabagisme passif comme effets fixes, et le centre comme effet aléatoire. Le résultat est présenté avec un Odds ratio ajusté (ORa), IC 95 % et p value. Les analyses ont été faites en intention de traiter et en per protocole.
Résultats & Discussion
411 patients ont été inclus et randomisés dans 6 centres. Sept ont été exclus pour l'analyse en ITT (annulation de chirurgie, absence de VVP, refus parental de collection de data). Les données démographiques sont présentées dans la figure 1. L’hypoxémie a été observée chez 14.8% (30/202) des patients Rocu contre 26.7% (54/202) des patients Placebo. L’analyse a mis en évidence une association significative entre le groupe et la survenue d’hypoxémie, de brochospasme, de laryngospasme (ORa de 0,06, IC95% : 0,00 ; 0,31) et le score de Copenhagen (figure 2). Une IVAS multipliait par 1,96 (1,07-3,59) le risque d'hypoxémie . Les CI étaient excellentes / mauvaises dans respectivement 60 / 4,6% des patients Rocu (vs 37 / 27% des patients Placebo). Il existait un lien statistique fort entre CI et survenue d'hypoxémie (43%, 22% et 9% d'hypoxémie si les CI étaient mauvaises, bonnes ou excellentes respectivement). Aucune allergie n'a été signalée.
Conclusion
Dans cette étude française multicentrique randomisée en triple insu sur plus de 400 nourrissons, l'utilisation de Rocu divisait par 2 le risque de survenue d'une hypoxémie et par 10 celui d'un bronchospasme. Indépendamment de l'agent utilisé, la recherche de conditions d'intubations excellentes réduisait considérablement le risque de survenue d'une hypoxémie.
Auteurs
Jean-Michel DEVYS (1) , Anoushée SHAFFII (1), Marie-Claire NGHÉ-MANN (1), Séverine GRAS (1), Malika OMARJEE (1), Jean-Marie MOURÈS (1), Gilles ORLIAGUET (2), Souhayl DAHMANI (2), Marion ANDREOLETTI (1), Francis VEYCKEMANS (3), Laurence SALOMON (1) - (1)Dr, Paris, France, (2)Pr, Paris, France, (3)Dr, Lille, France