Chirurgie thoracique non-intubée : retour d'expérience d'un centre français dans la chirurgie pleurale

Position du problème et objectif(s) de l’étude

La chirurgie thoracique non intubée (NITS, Non-Intubated Thoracic Surgery) est un concept en plein essor, décrit pour des procédures variées. Elle repose sur diverses techniques anesthésiques : anesthésie locorégionale, associée ou non à une sédation, et/ou anesthésie générale avec dispositif supraglottique. L’intérêt principal est d'éviter la ventilation unipulmonaire et ses effets indésirables et de préserver la ventilation spontanée afin de réduire les complications postopératoires et favoriser une récupération plus rapide après chirurgie. Cette nouvelle approche est très intéressante mais les preuves scientifiques sur les bénéfices réels restent limitées. Elle demeure peu utilisée en France. L’objectif de cette étude est de décrire notre première expérience de la NITS dans un centre hospitalier tertiaire français, pour des interventions thoraciques mineures, et d'en évaluer la faisabilité et la sécurité.

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective monocentrique, incluant tous les patients ayant bénéficié d’une chirurgie pleurale sous anesthésie locorégionale et sédation, entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2024. Le critère principal de jugement était le succès de la procédure, défini par la réalisation du geste prévu sans conversion en anesthésie générale. Nous avons aussi évalué la sécurité et la tolérance de la procédure, la satisfaction des patients, les complications postopératoires et le coût économique du matériel utilisé. L’étude a été déclarée hors Loi Jardé par le comité scientifique local.

Résultats & Discussion

38 patients ont été inclus avec un âge médian de 78 ans. La majorité avait un score ASA 3 ou 4 et a bénéficié d'une chirurgie de biopsie pleurale par thoracoscopie vidéo-assistée, avec ou sans talcage, dans un contexte de pleurésie récidivante. La technique anesthésique la plus utilisée combinait un bloc paravertébral sur deux niveaux, un bloc du serratus et une légère sédation par rémifentanil et kétamine. Le taux de succès était de 87 %. Trois patients (8 %) ont nécessité une conversion en anesthésie générale, principalement pour inconfort. Un patient a nécessité une conversion en anesthésie générale en raison d'une désaturation liée à une hémoptysie. Aucun patient n’a nécessité d’intubation trachéale. La tolérance respiratoire et hémodynamique était excellente. Parmi 28 patients interrogés, le score médian de satisfaction était de 17/20. En postopératoire, la majorité des patients ont pu regagner leur domicile, avec une durée médiane d’hospitalisation de 4 jours. Deux patients ont présenté un bullage prolongé, lié à une lésion du parenchyme pulmonaire peropératoire. Aucun patient n'a nécessité de reprise chirurgicale. Deux patients qui avaient été récusés de l’anesthésie générale sont décédés en postopératoire.

Conclusion

La NITS est une approche faisable et sûre pour la chirurgie pleurale. Elle nécessite une équipe anesthésique et chirurgicale expérimentée. C'est une alternative intéressante à l’anesthésie générale et à la ventilation unipulmonaire, permettant à des patients fragiles de se faire opérer. Toutefois, elle reste une procédure invasive et le rapport bénéfice-risque du geste doit être évalué et clairement exposé au patient. L’impact positif sur la récupération après chirurgie, l’optimisation de l’activité chirurgicale ainsi que sur les coûts économiques et écologiques sont en faveur d’un accès plus large à cette technique. Une coopération étroite avec l’équipe chirurgicale est essentielle pour en élargir les indications.

Auteurs

Aurore GUITTARD (1) , Marie-Melody DUSSEAUX (1), Julien KALLOUT (1), Matthieu SARSAM (2), Jean SELIM (3) - (1)Département D'anesthésie, Réanimation Et Médecine Périopératoire, Chu Rouen, Rouen, France, (2)Département De Chirurgie Thoracique, Chu Rouen, Rouen, France, (3)Université Rouen Normandie Inserm, Rouen, France

Orateur(s)

Aurore GUITTARD (Rouen)