Chirurgie thoracique sans intubation : faisabilité, sécurité et évaluation des complications dans une cohorte monocentrique de 65 patients
Position du problème et objectif(s) de l’étude
La chirurgie thoracique sans intubation (NITS) est une alternative prometteuse à l’anesthésie générale avec intubation orotrachéale. Reposant sur une ventilation spontanée sous anesthésie loco-régionale (ALR), cette approche pourrait réduire les complications respiratoires, accélérer la récupération postopératoire et améliorer la survie des patients opérés pour cancer (Wen Y, 2020 Mar) (Zheng J, 2021). L’objectif de notre étude est de décrire la faisabilité, la sécurité et les résultats périopératoires d’une stratégie NITS dans notre centre.
Matériel et méthodes
Étude rétrospective descriptive monocentrique incluant tous les patients adultes opérés en chirurgie thoracique sous NITS entre août 2023 et avril 2025. L’éligibilité était décidée en staff médico-chirurgical : étaient inclus les gestes mineurs en vidéothoracoscopie (biopsies pleurales, sympathectomies, wedge…). Les principales contre-indications étaient l’obésité, l’intubation difficile connue ou prévisible, les troubles de l’hémostase, le risque d’estomac plein et la difficulté chirurgicale anticipée. Les données recueillies comprenaient les caractéristiques cliniques, anesthésiques, opératoires et la durée de séjour.
Résultats & Discussion
65 patients ont été inclus (âge: 46,5 ± 21,5 ans ; IMC: 22,5 ± 3,6). Les indications principales étaient le pneumothorax (48%) et l’épanchement pleural (25%). Les gestes les plus fréquents étaient le wedge avec talcage (32%) et la biopsie pleurale seule (20%). Une thymectomie radicale a été réalisée par voie sous-xyphoïdienne. Une ALR préopératoire a été réalisée chez 97% des patients, principalement par bloc paravertébral (90%). La ventilation spontanée a été maintenue en permanence dans 97% des cas. Les agents anesthésiques les plus utilisés étaient le propofol (100%), le rémifentanil (89%), la lidocaïne (60%), la kétamine (60%) et le midazolam (29%). La dose moyenne de propofol était de 8,8 ± 3,4 mg/Kg/h , celle de rémifentanil de 4,5 ± 3,5 µg/Kg/h. Le taux de complication mineure (toux, plaie vasculaire, plaie parenchymateuse, noradrénaline en peropératoire) était de 11%. Le taux de complication sévère était de 7,7% (5 hypoxémies, 1 intubation en urgence). Le type d’ALR préopératoire était significativement associé à la survenue de ces complications (p = 0,027). En particulier, les complications majeures étaient plus fréquentes chez les patients ayant reçu un bloc érecteur du rachis ou aucune ALR, tandis que le bloc paravertébral était associé à un taux plus faible de complications. Le seul patient intubé présentait des critères de ventilation difficile et un IMC à 28,4. Les durées moyennes étaient de 42 ± 14 min pour l’installation, 44 ± 21 min pour la chirurgie, 95 ± 27 min d’occupation de salle et 104 ± 43 min en salle de réveil. Le séjour postopératoire moyen était de 3 ± 2 jours. Neuf patients (14%) ont même bénéficié d’une prise en charge ambulatoire. La douleur postopératoire immédiate était modérée (morphine titrée : 5,6 ± 5,6 mg). Une ALR de rescue par bloc serratus a été réalisée en SSPI dans 8% des cas.
Conclusion
La chirurgie thoracique sous NITS apparaît faisable et sûre pour des patients selectionnés. Les complications peropératoires sont modérées, et les intubations en cours de procédure rares. Le bloc paravertébral semble constituer un pilier de la stratégie, permettant dans notre série, de diminuer les complications per-opératoires. Ces résultats confortent l’intégration de la NITS dans une démarche de chirurgie mini-invasive et de récupération améliorée après chirurgie.
Auteurs
Antoine-Marie MOLINA BARRAGAN, Giovanni MATTIONI, Olivier MONTANDRAU, Abderrahmen BARGAOUI, Marc LESSERT, Elsa MANZI, Aymeric LEMASLE, Antoine TRINH-DUC, Guillaume DUFOUR, Marc BEAUSSIER, Alessio MARIOLO - (1)Institut Mutualiste Montsouris, Paris, France