Place de la dyade patient-proche dans la récupération neurologique du Traumatisme Crânien

Position du problème et objectif(s) de l’étude

En neuroréanimation, la majorité des essais contrôlés randomisés (RCT) ne sont pas concluants. L'echelle glasgow outcome scale-extended (GOS-E) qui évalue le devenir neurologique des patients est le critère de jugement principal dans la grande majorité de ces études. Cependant elle ne semble pas être adaptée pour évaluer les personnes traumatisées crâniens (TC) dans le contexte des RCT en réanimation. Notre étude est le 2ème volet d’une méthodologie de construction d’un ensemble de critères de jugement essentiel basé sur les recommandations de COMET initiative. L’objectif est de déterminer les éléments importants pour la dyade personne TC et son proche familiale lors de son retour à domicile.

Matériel et méthodes

Nous avons conduit une recherche qualitative multicentrique incluant 15 dyades patient-proche. Les entretiens ont été menés par trois chercheurs. Ils ont été réalisés séparément, d'abord avec le patient (accompagné si nécessaire de son proche en cas de difficultés cognitives), puis avec le proche seul. Les verbatims ont été analysés selon l'approche phénoménologique interprétative de Smith (2009). Notre recherche a inclus des patients ≥18 ans, francophones, ayant subi un traumatisme crânien modéré à sévère (score de Glasgow initial ≤12) et hospitalisés au minimum 24 heures en réanimation. Les participants devaient ne plus nécessiter d'une prise en charge institutionnelle à temps plein. Le proche etait soit la personne partageant le quotidien du patient, soit une personne spécifiquement désignée par celui-ci.

Résultats & Discussion

Entre juillet 2021 et décembre 2023, nous avons conduit des entretiens auprès de patients 6 à 40 mois après leur TC. L'échantillon comprenait majoritairement des hommes (n=12) avec une durée moyenne de coma de 17 jours. La plupart résidaient en maison, la moitié en zone rurale. Avant l'accident, dix patients avaient une activité professionnelle. Trois vivaient seuls. Les proches étaient principalement des femmes (n=12), dont huit conjoints, avec une activité professionnelle pour la majorité. Le retour à domicile confronte les patients aux conséquences concrètes de leur TC, notamment à travers la perte significative de leurs rôles sociaux (familiaux, amicaux et professionnels). Malgré ces difficultés, ils maintiennent l'espoir de s'adapter à leur nouvelle réalité grâce au soutien de leur proche, tout en décrivant parfois les limites entre assistance nécessaire et besoin d'autonomie. Les proches, quant à eux, témoignent d'un quotidien profondément bouleversé et réorganisé autour des besoins du patient pour compenser ses handicaps. Ils expriment une double perte : celle de leur vie d'avant et celle de la personne que le patient était avant l'accident. Pour préserver leur équilibre, ils cherchent du soutien dans leur entourage ou auprès d'organismes sociaux et tentent de maintenir des activités personnelles sans le patient. Au niveau de la dyade, une dissonance apparaît dans l'expérience vécue de l'accident et dans la perception des séquelles, créant un déficit de confiance mutuelle qui complexifie la relation patient-proche.

Conclusion

Notre étude confirme la nature multidimensionnelle des handicaps que l'échelle GOS-E ne capture pas entièrement. Elle souligne l'importance d'intégrer les patients et les proches dans la construction le Core Outcomes Sets pour les patients TC en réanimation. Le rôle crucial des proches dans l'évaluation et la récupération des patients est évident, suggérant un recueil de facteurs environnementaux dans les essais cliniques.

Auteurs

Yvan DEROUIN (1) , Emmanuelle CARTRON (2), Thomas DELHOMME (3), Raphael CINOTTI (1) - (1)Chu De Nantes, Inserm 1246 Sphere, Nantes Université, Nantes, France, (2)Université Paris Cité, Inserm 1123 Eceve, Paris, France, (3)Chu De Nantes, Nantes, France

Orateur(s)

Yvan DEROUIN (Nantes)