Choc septique et cirrhose : impact de l’ajout de vasopressine à la noradrénaline sur le recours à l’épuration extrarénale
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Le choc septique chez les patients atteints de cirrhose est associé à une très forte mortalité, notamment en lien avec l’insuffisance rénale aiguë et le recours à l’épuration extrarénale (EER). En contexte de vasoplégie sévère, la vasopressine, vasopresseur non catécholaminergique, est proposée en association à la noradrénaline pour réduire les besoins en catécholamines, améliorer la perfusion rénale et diminuer le recours à la dialyse. Si cette approche est étudiée dans la population générale, les données spécifiques aux patients cirrhotiques, notamment en état d’ACLF, sont rares. Cette étude vise à évaluer l’impact de l’introduction de la vasopressine sur le recours à l’EER chez les patients cirrhotiques en choc septique.
Matériel et méthodes
Étude observationnelle, rétrospective, monocentrique, menée entre avril 2021 et juillet 2024. Inclusion de patients majeurs, cirrhotiques (diagnostic formel ou fort faisceau d’arguments), admis pour choc septique selon les critères Sepsis-3, nécessitant un support vasopresseur par noradrénaline à des doses ≥ 0,5 µg/kg/min. Les patients dialysés chroniques, greffés hépatiques ou avec décision de limitation des soins dans les 24 premières heures étaient exclus. L’introduction de la vasopressine (0,03 UI/min, dose fixe) était réalisée selon le protocole du service. Le critère principal était le recours à l’EER. Les critères secondaires incluaient : mortalité à J28, scores SOFA et CLIF-SOFA, lactatémie, paramètres hémodynamiques, posologies de vasopresseurs, durée de ventilation, séjour en réanimation et effets indésirables (ischémie digitale, troubles du rythme, etc.). L’étude avait un avis favorable du comité d’éthique (IRB HCL-24-5537).
Résultats & Discussion
102 patients étaient inclus (âge médian : 59 ans ; 74 % hommes). 38 recevaient de la vasopressine en complément de la noradrénaline. Les groupes ne différaient pas sur le SOFA moyen (13 vs 12 ; p = 0,19) ni le recours à l’EER (66 % vs 55 %, p = 0,31). La mortalité à J28 était de 71 % dans le groupe noradrénaline contre 68 % dans le groupe vasopressine (p = 0,75). Dans le sous-groupe des patients en ACLF grade 3 (n = 66), le recours à l’EER était de 84 % dans le groupe noradrénaline versus 68 % dans le groupe vasopressine (p = 0,11). Aucun sur-risque d’ischémie digitale, mésentérique ou myocardique n’était observé. Le groupe vasopressine tendait à moins d’arythmies.
Conclusion
Chez les patients cirrhotiques en choc septique, l’association vasopressine–noradrénaline n’était pas associée à une diminution du recours à l’EER. Toutefois, une tendance favorable était observée dans le sous-groupe ACLF 3. L’utilisation combinée des vasopresseurs semble bien tolérée, sans effets indésirables graves. Ces résultats encouragent à poursuivre l’exploration de cette stratégie thérapeutique dans des études prospectives ciblant les patients les plus sévères.
Auteurs
Olivier PINEL (1) , Thomas SCHULZ (1), Céline GUICHON (1), Guillaume DAVID (1), Jean RUIZ (1), Marie-Charlotte DELIGNETTE (2), Alice BLET (2) - (1)University Lyon 1, Department Of Anaesthesiology And Critical Care, Ihu Everest, Croix Rousse University Hospital, Hospices Civils De Lyon, Lyon, France, (2)University Lyon 1, Department Of Anaesthesiology And Critical Care, Ihu Everest, Croix Rousse University Hospital, Hospices Civils De Lyon-Pathliv-Umr Ucbl1-Inserm U1350, Lyon Hepatology Institute, Lyon, France