Facteurs de risques de survenue d’une hémoculture positive en postopératoire chez l’adulte
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Environ la moitié des bactériémies qui surviennent dans les suites d’une intervention chirurgicales sont secondaires, dont un tiers en rapport avec une infection du site opératoire (ISO) (1). De plus, la survenue de bactériémie postopératoires est un potentiel indicateur de qualité simple à surveiller (2). Alors que l’impact de l’antibioprophylaxie périopératoire et ses modalités sur la survenue des ISO est bien établie, il reste à déterminer l’effet sur la survenue des bactériémies dans la période post-opératoire. Objectif : 1) Identifier les facteurs associés à la survenue d'une bactériémie (hémoculture positive par une bactérie non-contaminante) dans les 30 jours suivant une intervention chirurgicale. 2) Décrire l’écologie des bactériémies post-opératoires de notre centre.
Matériel et méthodes
Analyse rétrospective à partir de l’entrepôt de données d’anesthésie de notre centre (janvier 2010 – décembre 2023). Ont été inclus les patients adultes ayant eu une intervention chirurgicale sous anesthésie générale. Ont été exclus ceux recevant une antibiothérapie pré- ou peropératoire, ou ayant une hémoculture positive dans les 15 jours précédant l’intervention. Seules les interventions avec antibioprophylaxie ont été retenues pour l’analyse des facteurs de risque. Les antibioprophylaxies ont été classées comme adaptées ou non, selon les recommandations en vigueur au moment de l’intervention. Une analyse multivariée par régression logistique a été conduite. L’étude a reçu l’avis favorable du CSE de notre centre.
Résultats & Discussion
Sur les 585 212 interventions réalisées sur la période répondant aux critères d’inclusion, 8 698 (1.5%) ont une hémoculture positive dans les 30 jours postopératoires . Les entérobactéries représentaient 33.4% des cas, et les staphylocoques 28.7% dont 13.5% de Staphylococcus aureus (Tableau 1). 251 304 (42.9%) des interventions ont fait l’objet d’une antibioprophylaxie. Les facteurs associés à la survenue d’une hémoculture positive en postopératoire étaient le sexe féminin (OR 1.42 [ 1.31 ; 1.54]), l’âge (OR 1.22 / 10 ans [1,19 ; 1.25]), l’IMC inférieur à 18 (OR 1.50 [1.23 ; 1.83]), le diabète (OR 1.18 [1.08 ; 1.29] ), la durée d’intervention (OR 1.15 / heure [1.14 ; 1.15], les pertes sanguines supérieures à un litre (OR 2.16 [1.91 ; 2.44]) et un délai ou une posologie de réinjection d’antibioprophylaxie inadaptés (respectivement OR 1.38 [1.25 ; 1.51] et 1.31 [1.12 ; 1.55]). Un surrisque était également observé en cas d’injection d’antibioprophylaxie trop tardive (OR 1,38 [1,28–1,48]) comparée à une injection trop précoce par rapport à l’incision (OR 1,08 [0,99–1,18]). Les interventions les plus concernées étaient la chirurgie digestive, bariatrique, urologique et cardio-thoracique.
Conclusion
Notre étude, à partir d’un large entrepôt de données, met en évidence plusieurs facteurs indépendants associés à la survenue d’une bactériémie postopératoire, dont certains rejoignent les facteurs de risque démontrés de survenue des ISO. L’impact des modalités de l’antibioprophylaxie périopératoire renforce la pertinence des dernières recommandations de la SFAR. Ces résultats suggèrent que l’incidence des bactériémies post-opératoires peut être un indicateur de qualité de l’antibioprophylaxie.
Auteurs
Alexandre BOURGEOIS (1) , Anne BIGNON (1), Charlotte FERRAN (2), Lucas SHORTEN (2), Mohamed Amine ALOULOU (1), Rodrigue DESSEIN (3), Eric KIPNIS (1) - (1)Département D'anesthésie Réanimation Du Chu De Lille, Lille, France, (2)Include Project Chu De Lille, Lille, France, (3)Département De Bactériologie Du Chu De Lille, Lille, France