Rôle de la césarienne et des manœuvres d'extraction instrumentales dans la mortalité par embolie amniotique en France
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L’embolie amniotique (EA) représente est la première cause de mort maternelle directe. La césarienne (CS) et les manœuvres instrumentales (MI) sont est classiquement reconnu comme facteur favorisant. La littérature distingue cependant peu les CS ou les MI réalisées avant la survenue de l'EA de celles réalisée secondairement, conséquences de l'EA, et entrant dans la prise en charge d'une défaillance maternelle et/ou fœtale grave, ce qui représente un biais d'indication. L'objectif de notre étude est de d'étudier leur rôle réel dans la genèse de l'EA.
Matériel et méthodes
Nous avons analysé tous les dossiers de morts maternelles par EA survenues en maternité entre 2012 et 2018 identifiés par le Comité National d'Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM). Les accouchements par voie basse naturelle, par MI et par CS ont été comptabilisés. Les horaires précis de survenue des prodromes, des premiers signes ainsi que ceux des décisions/réalisations d'éventuelles CS ou MI ont été identifiés afin de discriminer le plus précisément possible les gestes réalisés avant la survenue de l'EA (requalifiés "CS avant EA", "Voie basse instrumentale (VBI) avant EA" et Voie basse non instrumentale (VBNI) avant EA") de ceux réalisés comme manœuvre de sauvetage, maternelle ou fœtal, et donc étant clairement une conséquence de l'EA. Les fréquences de ces évènements ont été comparées avec celles de l'Enquête Nationale de Périnatalité (EPN) de 2016, réalisée à la même période, qui décrit la population générale des femmes accouchant en France.
Résultats & Discussion
Cinquante-trois patientes sont décédées d'EA en France entre 2012 et 2018. Cinq patientes ont été exclues de l'analyse (1 décès survenu avant 22 SA et 4 prises en charges extra hospitalier). Quarante-huit femmes sont donc décédées en maternité d'une EA pendant cette période. Les taux bruts de MI et de CS étaient beaucoup plus élevés chez les femmes décédées d'EA que chez les femmes de l'ENP, respectivement 34% vs 12% (OR12.49, [5.30-32.97], p < 0.01) et 51 vs 20% (OR 11.15 [5.03-28.36], p<0.01) ce qui confirme les données de la littérature. Cependant, la grande majorité des CS (95.8%) et des MI (75%) a été réalisée après la survenue de la détresse maternelle. Après requalification en fonction de la temporalité, les MI réalisées avant la survenue de l'EA ne représentaient plus que 8.5% des accouchement ce qui n'est pas différent de la population de l'ENP (OR 0.57, [0.17-1.43], p = 0.26). Les CS avant EA étaient même significativement moins fréquentes dans la population des femmes décédées par EA (OR0.26, [0.06-0.72], p< 0.01). Dans notre étude, la CS n'apparait donc pas comme un facteur de risque d'EA. Elle apparait même sous représentée sans que notre étude puisse déterminer si cela est dû à un plus faible risque de survenue d'une EA (baisse d'incidence de la pathologie) ou à une moindre probabilité d'évolution défavorable (baisse du taux de létalité). Cette dernière hypothèse pourrait s'expliquer par la plus forte médicalisation de la CS (chirurgien, anesthésiste réanimateur, infirmière anesthésiste) permettant une prise en charge plus rapide et plus agressive en termes de réanimation et d'hémostase chirurgicale.
Conclusion
Après élimination du biais d'indication, notre étude ne retrouve pas MI instrumentale ni la CS comme facteurs de risque de décès par EA. La sous-représentation des CS dans cette population de patientes décédées d'EA est peut-être lié à une meilleure prise en charge dans l'environnement plus favorable du bloc opératoire.
Auteurs
Anastassia EFTYMIOU (1) , Mathias ROSSIGNOL (1), Catherine DENEUX THARAUX (2) - (1)Département D'anesthésie Réanimation-Hôpital Lariboisière-Aphp, Paris, France, (2)Inserm, Paris, France