18 septembre 2025
313-314

Facteurs de risque de complications graves chez les patients drépanocytaires admis en réanimation : étude rétrospective sur 10 ans

Position du problème et objectif(s) de l’étude

La drépanocytose est une pathologie chronique exposant à des décompensations aiguës nécessitant une prise en charge en réanimation. L’identification précoce des patients à risque de complications sévères pourrait permettre une meilleure stratification et anticipation des soins critiques. L’objectif principal de cette étude est d’identifier les facteurs de risque de défaillances d’organes chez les patients drépanocytaires hospitalisés en réanimation.

Matériel et méthodes

Une étude observationnelle rétrospective a été menée entre 2013 et 2023 au sein d’un service de réanimation. Tous les épisodes d’hospitalisation en réanimation de patients drépanocytaires majeurs ont été inclus. Les patients étaient répartis en deux groupes : groupe CO (avec complication grave, définie par au moins une défaillance d’organe) et groupe NCO (sans complication). Les caractéristiques cliniques, biologiques, thérapeutiques et évolutives ont été comparées. Une analyse univariée puis multivariée a été réalisée pour identifier les facteurs de risque associés à un pronostic péjoratif.

Résultats & Discussion

Sur 431 admissions, 115 (27%) ont présenté une défaillance d’organe (CO). L’âge médian était de 27 ans [22–38] et 59% étaient des femmes. Le motif principal d’admission était une crise vaso-occlusive (71%) ou un syndrome thoracique aigu (28%).
Les patients du groupe CO présentaient à l’admission des fréquences cardiaques plus élevées (118 vs 89 bpm, p = 0.003), des taux de leucocytes, ASAT, LDH significativement plus élevés et un TP plus bas (tous p < 0.05). Le SAPS II était également plus élevé dans ce groupe (33 vs 18, p < 0.001).
La défaillance respiratoire aiguë était la plus fréquente (45% des cas), significativement plus présente dans le groupe CO (70% vs 34%, p = 0.007). L’utilisation des antibiotiques était plus fréquente dans ce groupe (84% vs 58%, p = 0.046), tout comme la durée de séjour (5 vs 3 jours, p = 0.039) et la mortalité (4 décès, soit 20%, p = 0.011).
Après analyse multivariée, une fréquence cardiaque > 100 bpm (OR = 6.2 [1.5–26.3], p = 0.012), un taux de LDH > 600 UI/L (OR = 6.1 [1.2–31.7], p = 0.01) étaient associés à un risque accru de complications, tandis qu’un TP > 70% était protecteur (OR = 0.2 [0.06–0.93], p = 0.039).  Nos résultats sont cohérents avec les données de la littérature. L’étude multicentrique d’Agbakou et al. identifiait également une fréquence respiratoire élevée, une hypotension et une altération de la fonction rénale comme facteurs pronostiques défavorables. De même, Cecchini et al. rapportaient l’importance du rythme respiratoire élevé, de l’anémie profonde et de l’atteinte rénale aiguë comme facteurs indépendamment associés à un pronostic péjoratif.
Toutefois, notre cohorte se distingue par une proportion plus importante de complications graves (27% vs 16,6% et 20% respectivement), ce qui pourrait refléter des différences de contexte (insularité, accès aux soins, ressources critiques) ou des critères plus larges d’inclusion. L’absence de facteurs prédictifs liés au terrain (génotype, antécédents) renforce l’intérêt d’une évaluation physiologique dynamique à l’admission.

Conclusion

Chez les patients drépanocytaires en réanimation, la tachycardie, une élévation des LDH et un TP bas à l’admission sont des marqueurs précoces de gravité. L’identification de ces paramètres permettrait d’optimiser le triage, l’intensité de la surveillance et les stratégies thérapeutiques dès l’admission.

Auteurs

Ibrahim MOUSSA DAOUDA, Thérèse JACOTA, Antoine DECAESTECKER, Elsa VIDAL, Amélie ROLLÉ - (1)Chu De La Guadeloupe, Guadeloupe, France

Orateur(s)

Ibrahim MOUSSA DAOUDA  (Guadeloupe)