18 septembre 2025
313-314

Anesthésie pédiatrique et drépanocytose : évaluation du risque périopératoire de complications graves

Position du problème et objectif(s) de l’étude

La drépanocytose est la maladie génétique la plus fréquente dans le monde. En Guadeloupe, elle représente un enjeu majeur de santé publique, avec une incidence parmi les plus élevées de France (1 naissance sur 289). Les enfants drépanocytaires présentent, dès le plus jeune âge, des épisodes aigus sévères (crises vaso-occlusives, syndrome thoracique aigu, anémies hémolytiques) susceptibles d’être déclenchés par des agressions physiologiques, notamment chirurgicales. Or, la période péri-anesthésique est caractérisée par une perturbation de grands équilibres homéostatiques (oxygénation, hydratation, température, hémodynamique), pouvant précipiter des complications graves dans cette population vulnérable. Déterminer la prévalence des complications post-opératoires graves chez les patients drépanocytaires pédiatriques et identifier les facteurs de risque pré-, per- et post-opératoires associés.

Matériel et méthodes

Nous avons conduit une étude rétrospective observationnelle monocentrique incluant l’ensemble des patients drépanocytaires âgés de moins de 18 ans ayant bénéficié d’une intervention chirurgicale sous anesthésie générale au CHU de Guadeloupe. Le critère de jugement principal (CJP) était défini comme l’apparition d’au moins une des complications suivantes dans les 7 jours post-opératoires : crise vaso-occlusive (CVO), syndrome thoracique aigu (STA), embolie pulmonaire (EP), détresse respiratoire aiguë (DRA), décès, ou admission en réanimation.

Résultats & Discussion

Un total de 68 interventions chirurgicales pédiatriques a été analysé. L’âge médian des patients était de 10,5 ans. La population était composée de 52,9 % de garçons et 47,1 % de filles. Les génotypes drépanocytaires les plus fréquents étaient SS (60,3 %), suivis de SC (23,5 %) et de Sβ-thalassémie (13,2 %). Concernant le type de chirurgie réalisée, 52,9 % des interventions étaient classées comme à risque faible, 41,2 % à risque modéré, et 1,5 % à risque élevé. Par ailleurs, 25,0 % des procédures étaient réalisées en contexte d’urgence. La prévalence des complications post-opératoires graves à J7 (critère de jugement principal) était de 8,8 % (6 cas). Les complications observées incluaient trois cas de détresse respiratoire aiguë, deux cas de syndrome thoracique aigu, et un cas de crise vaso-occlusive. Aucun décès ni épisode d’embolie pulmonaire n’a été rapporté. Les patients présentant une complication grave avaient plus fréquemment reçu une transfusion peropératoire, un IMC plus élevé, et une hospitalisation en réanimation était plus fréquente dans ce groupe. La faible taille de l’échantillon limite toutefois la portée des comparaisons statistiques.

Conclusion

La période péri-anesthésique chez l’enfant drépanocytaire reste à haut risque de complications graves. Un enfant drépanocytaire sur 11 opéré présente une complication grave. Cette étude suggère que des facteurs simples, accessibles en pré-opératoire (type de chirurgie, statut transfusionnel, antécédents d’hospitalisation), pourraient contribuer à améliorer le tri et la prise en charge personnalisée de ces enfants. Une prise en charge multidisciplinaire anticipée reste essentielle pour limiter la morbi-mortalité post-opératoire dans cette population. Le protocole de gestion de l'anesthésie pédiatrique du patient drépanocytaire est mis en figure associé et sera disponible à la demande.

Auteurs

Charline RIAUD, Emile BARRUOL, Mina DUPUY, Elsa VIDAL, Rollé AMÉLIE - (1)Chu De La Guadeloupe, Guadeloupe, France

Orateur(s)

Charline RIAUD  (Guadeloupe)