Arrêts cardiaques extrahospitaliers liés à une activité sexuelle : analyse de cohorte du Registre National des Arrêts Cardiaques Extrahospitaliers (RéAC)
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L’arrêt cardiaque extrahospitalier (ACEH) est un enjeu majeur de santé publique, avec un taux de survie faible avoisinant les 5% en France. L’ACEH peut survenir de manière inopinée et notamment dans des situations de stress cardiaque tel que l’activité physique ou sportive. Ces activités pourtant cardioprotectrices lorsqu’elles sont réalisées raisonnablement peuvent s’avérer dramatiques notamment chez les patients à risque. Par ailleurs, certaines activités du quotidien ne sont pas perçues comme physiques ou sportives, alors qu’elles répondent pourtant à cette définition. C’est notamment le cas de l’activité sexuelle, qui reste peu étudiée dans ce contexte. À ce jour, rares sont les études récentes ayant exploré à grande échelle les arrêts cardiaques survenus au cours ou à la suite d’un rapport sexuel. L’objectif de cette étude est de décrire les caractéristiques cliniques et épidémiologiques des ACEH survenus pendant ou après une activité sexuelle en France, et de les comparer à ceux survenus lors d'une activité physique ou sans contexte particulier.
Matériel et méthodes
Étude observationnelle rétrospective menée à partir des données du Registre National des Arrêts Cardiaques Extrahospitaliers (RéAC) entre juillet 2011 et décembre 2023. Les patients âgés de 15 à 95 ans ont été répartis en trois groupes : ACEH péri/post-coïtal (G1), ACEH liés à une autre activité physique (G2), et ACEH sans contexte d’activité (G3). Les variables démographiques, cliniques, de prise en charge et de pronostic ont été comparées.
Résultats & Discussion
Sur 138 537 ACEH enregistrés, 161 cas étaient associés à une activité sexuelle, 1412 à une autre activité physique, et 136 963 sans activité. Les patients du groupe ACEH péri/post-coïtal étaient plus jeunes (56 ans) que ceux du groupe témoin (70 ans), et majoritairement des hommes (83,9 %) avec des antécédents cardiovasculaires. L’arrêt survenait principalement à domicile (92,4 %), en présence d’un témoin (95 %), souvent un proche. Si la réanimation spécialisée par le SMUR était systématique, la RCP immédiate par les témoins restait insuffisante (57,5 % vs 77,3 % pour le G2, p < 0,001). Sur la prise en charge, les patients du groupe G1 recevaient plus fréquemment de l’adrénaline, une intubation, et une défibrillation. Le retour à la circulation spontanée dans le groupe péri/post-coïtal (27,3 %) n'était pas différent de celui du groupe témoin (21,8 %, p = 0,091), mais inférieur à celui du groupe d'activité physique (43,2 %, p < 0,001). La survie à l’admission était plus élevée que dans le groupe référence (31,7 % vs 18,4 %, p < 0,001), mais la survie à 30 jours restait faible (5,6 %), avec un pronostic neurologique très défavorable (3,4 % de bon pronostic chez les survivants vs 94,4 % dans le G2, p < 0,001).
Conclusion
Cette étude, la plus large à ce jour sur le sujet, montre que l’ACEH pendant ou après un rapport sexuel est rare mais survient principalement chez des hommes d’âge moyen avec des antécédents cardiaques. Si la prise en charge spécialisée est efficace, la reconnaissance des signes et la réponse initiale des témoins doivent être améliorées. Des campagnes de sensibilisation ciblées, une meilleure éducation aux gestes de premiers secours, et la prise en compte des cofacteurs (substances, pathologies associées) pourraient permettre une meilleure prise en charge et une réduction de la mortalité liée à ce contexte particulier.
Auteurs
Hizia BENKERROU, Clémence DUBART, Ramy AZZOUZ, Christian VILHELM, Morgan RECHER, Hervé HUBERT, Valentine BAERT - (1)Univ. Lille, Chu Lille, Ulr 2694-Metrics: Évaluation Des Technologies De Santé Et Des Pratiques Médicales, F-59000 Lille, France, Lille, France