19 septembre 2025
313-314

Étude ChroCéRAAC : évaluation de l’incidence des douleurs chroniques postcésariennes programmées sous rachianesthésie dans le cadre d’un protocole de réhabilitation améliorée après chirurgie

Position du problème et objectif(s) de l’étude

La réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC), désormais bien intégrée en obstétrique, améliore les suites immédiates des césariennes. Mais son effet sur la douleur chronique post-césarienne (DCPC) reste méconnu. Cette douleur, pourtant fréquente, altère la qualité de vie des jeunes mères, notamment dans la prise en charge du nouveau-né. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’incidence de la DCPC à 3 et 6 mois dans un protocole RAAC. Les objectifs secondaires étaient de caractériser ces douleurs, d’en analyser leur retentissement fonctionnel, et d’évaluer le taux d’adhésion au protocole.

Matériel et méthodes

Étude observationnelle, prospective, multicentrique, classée RIPH de catégorie 3, menée sur 283 patientes ASA 1 ou 2 ayant bénéficié d'une césarienne programmée sous rachianesthésie. Cette cohorte a été suivie sur une période de trois ans. L’étude a été réalisée dans deux établissements : une maternité de niveau 2B et une maternité de niveau 3. Cette étude est enregistrée sur ClinicalTrials.gov (NCT04919408) et a reçu l’avis favorable du comité de protection des personnes (CPP) le 31 mai 2021 (Réf.CPP-CNRIPH : 21034-42332). Elle est également enregistrée à l’ANSM (Id-RCB : 2021-A00397-34). Le protocole RAAC local, en place avant l’étude, n’a pas été modifié. Un suivi téléphonique à 3 et 6 mois avec questionnaires standardisés a permis d’évaluer la persistance de la douleur, son caractère neuropathique (score DN4 ≥ 3/7), ainsi que son impact fonctionnel. L’adhésion des équipes soignantes au protocole RAAC a été analysée à partir du recueil de 12 critères per- et post-opératoires définis a priori. Cette étude a bénéficié d’un soutien financier de la fondation APICIL.

Résultats & Discussion

L’incidence des douleurs chroniques était de 14,95% à 3 mois [IC95% : 10,99–19,66] et de 5,76% à 6 mois [IC95% : 3,19–9,48]. Une composante neuropathique était identifiée chez 46,51% des patientes douloureuses à 3 mois et 38,46% à 6 mois. Ces douleurs impactaient significativement la qualité de vie, en particulier la capacité à se mobiliser (64,29% à 3 mois et 42,86% à 6 mois) ou à porter leur enfant (69,05% à 3 mois et 78,57% à 6 mois). Le taux moyen d’adhésion au protocole RAAC était de 62,90%, paradoxalement plus élevé chez les patientes douloureuses à 3 mois. De manière contre-intuitive, plusieurs critères du protocole RAAC étaient significativement associés à la persistance de la douleur chronique : administration per-opératoire de dexaméthasone (80,95% vs 35,15%, p < 0,0001 à 3 mois), retrait précoce de la sonde urinaire en SSPI (64,29% vs 26,36%, p< 0,0001 à 3 mois), et lever dans les 6 heures (76,19% vs 42,02%, p < 0,0001 à 3 mois). D’autres facteurs associés comprenaient la douleur aiguë post-opératoire, une durée de séjour plus courte et le type de technique chirurgicale utilisée.

Conclusion

Dans le contexte RAAC, l’incidence des douleurs chroniques post-césarienne reste similaire aux données antérieures dans la littérature. Cependant, la fréquence des douleurs neuropathiques et leur retentissement sur la qualité de vie méritent une attention particulière. De manière surprenante, certains éléments du protocole RAAC pourraient être associés à une incidence plus élevée de la douleur chronique, soulevant la nécessité d’études complémentaires pour affiner les pratiques et adapter certaines recommandations.

Auteurs

Anastasia NALLET, Géraldine SLEHOFER-LHERIAU, Aurelia HILI - (1)Médecin, Toulon, France

Orateur(s)

Anastasia NALLET  (Toulon)