Récupération améliorée après césarienne : facteurs de réussite et freins au changement
Position du problème et objectif(s) de l’étude
La Récupération Améliorée Après Chirurgie (RAAC) est bien codifiée pour la césarienne élective (1), mais son implémentation en pratique clinique reste difficile. L’objectif de cette étude est d’identifier les facteurs associés à une meilleure réhabilitation postopératoire de la césarienne élective.
Matériel et méthodes
Cette étude observationnelle prospective a été menée dans un centre hospitalier universitaire dont les anesthésistes et obstétriciens sont sensibilisés aux principes de la RAAC après césarienne. Elle a inclus 62 patientes ayant bénéficié d'une césarienne élective sous rachianesthésie entre le 15 juillet et le 31 août 2024. Les données recueillies couvraient les phases pré, per et postopératoires, et intégraient des indicateurs cliniques et fonctionnels, ainsi que le score de récupération obstétricale ObsQoR-10 à J1 (2). L’analyse statistique a été réalisée via SPSS (version 26.0) avec un seuil de signification statistique p<0,05.
Résultats & Discussion
La durée moyenne de jeûne est de 5,9±2h pour les liquides et 10,8±2,2h pour les solides. Un remplissage limité (<1L) est administré à 42% des patientes, et ne majore pas l’usage de vasopresseurs, l'hypotension, les nausées-vomissements (NV) ou les sensations postopératoires de soif et de faim. Les NV peropératoires concernent 33,9% des patientes, leur absence est significativement associée à l'absence d’hypotension (p=0,02) et à une dose de bupivacaïne réduite (<9mg) (p=0,01). Les NVPO touchent 8,1% des patientes et sont liés à un score d’Apfel ≥3 (p=0,03). La prophylaxie antiémétique systématique, administrée dans 19,4% des cas, n’a pas d’impact significatif sur leur incidence. Le score de douleur EVA à J1 est en moyenne de 3,2±2,2, et inférieur à 4 dans 48,4% des cas. L’analgésie multimodale est initiée en peropératoire chez 21% des patientes et poursuivie systématiquement en postopératoire chez 54,8%, sans aucun recours aux morphiniques. Une EVA<4 à J1 est significativement associée à une prescription systématique d’antalgiques par rapport à une administration à la demande (p=0,02) et à une déambulation précoce (p=0,003). Les indices de récupération fonctionnelle montrent que l’ablation de la voie veineuse est réalisée à 34,4±11,5h, celle de la sonde urinaire à 11,7±3h. La déambulation débute à 16,5±4,1h, la première boisson est prise à 3,6±2,5h, et le premier repas à 6,4±4,6h. Le score moyen ObsQoR-10 est de 62,3±12,4. En analyse multivariée, un score plus élevé est significativement associé à la multiparité (p=0,02), une EVA faible à J1 (p<0,001), et l’absence de soif en postopératoire (p=0,02). Cette étude identifie les facteurs associés à une réhabilitation obstétricale réussie : gestion anticipée de la douleur, reprise orale rapide et déambulation précoce. Elle repère également les domaines à renforcer : réduction du jeûne, limitation du remplissage, systématisation de l’analgésie multimodale, prévention des NV et accélération de l’autonomie. Ainsi, elle souligne l'impact d'une prise en charge structurée sur la qualité de récupération après césarienne. Dans ce contexte, l’implémentation d’un protocole standardisé, accompagné d’une formation continue des équipes soignantes et d’une éducation préopératoire des patientes, permettrait un changement des pratiques.
Conclusion
Afin d’optimiser la récupération obstétricale, il convient de formaliser un protocole institutionnel, en assurer l’application rigoureuse et en évaluer régulièrement l'adhésion : un chantier d'amélioration continue.
Auteurs
Yara JOMAA (1) , Joanna TOHMÉ (2), Naji ABOU JALAD (2), Samia JEBARA (2), Rhéa MATTAR (2), Ralph HADDAD (2), Christopher MASSAAD (2), Christine DAGHER (2) - (1)Département D'anesthésie-Réanimation, Hotel-Dieu De France, Faculté De Médecine, Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban, (2)Département D'anesthésie-Réanimation, Hôtel-Dieu De France, Faculté De Médecine, Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban