Mise en place d’un programme de gestion personnalisée du capital sanguin en chirurgie cardiaque : une étude avant-après
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L'anémie préopératoire et la carence martiale sont fréquentes en chirurgie cardiaque et sont fortement associées à une augmentation des taux de transfusion, de la morbi-mortalité et des coûts de santé. La mise en œuvre du Patient Blood Management (PBM) reste un défi dans la pratique clinique. Nous avons évalué l'impact clinique et économique d'un protocole pragmatique de PBM en chirurgie cardiaque de l’adulte programmée sous circulation extracorporelle (CEC).
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude monocentrique de type avant-après incluant toute chirurgie cardiaque élective de l’adulte sous CEC, un an avant et après l’instauration du protocole de PBM. Le protocole comprenait une prise en charge systématique de l’anémie préopératoire par injection de carboxymaltose ferrique et d’érythropoïétine, une prévention de la l’hémodilution peropératoire par encouragement des techniques de retropriming et l’administration restrictives de fluides, une promotion de la transfusion globulaire unitaire et de la correction d’une anémie postopératoire par supplémentation martiale intraveineuse. Le critère de jugement principal était le taux de transfusion de culot globulaires (CGR). Les critères secondaires comprenaient les complications postopératoires, la durée d’hospitalisation et une analyse des coûts.
Résultats & Discussion
782 patients ont été inclus (374 avant et 408 après PBM). Les deux groupes étaient similaires concernant les comorbidités, les caractéristiques chirurgicales et les résultats biologiques préopératoires excepté pour l’hémoglobinémie préopératoire qui était significativement plus basse en pré-PBM (13,7 ±1,7 vs. 14 ±1,5 g/dL ; p=0,03). Dans le groupe post-PBM, tous les patients nécessitant un traitement de l’anémie en préopératoire l’ont reçu (84/408, 20,5%) et l’administration de fluides peropératoire était significativement plus faible (52,4 ±21,5 vs. 55,7 ±19,1 mL/kg; p<0,01). Le taux de transfusion a significativement diminué (25 % vs 32,9 %, p=0,02), avec plus de transfusions unitaires (31,9 % vs 50,4 %, p<0,01) en post-PBM. Le groupe post-PBM conservait un taux d’hémoglobine plus élevé tout au long de l’hospitalisation. L’incidence des complications postopératoires était similaire entre les groupes exceptée une incidence de fibrillation atriale de novo réduite dans le groupe post-PBM (33,1% vs. 36 ;6%; p=0,03). En analyse multivariée, le PBM était un facteur indépendant de réduction des transfusions (OR=0,55 [0,37-0,82], p<0,01). L’économie annuelle estimée pour 400 chirurgies cardiaques électives sous CEC était de 67 454,65 €.
Conclusion
Un protocole multimodal et pragmatique de PBM a permis de réduire significativement les taux de transfusion en périopératoire ainsi que les coûts de santé associés.
Auteurs
Constance BOUGNOUX, Baptiste MONNIER, Sacha ROZENCWAJG, Sylvain DIOP, Iolanda ION, Julien GUIHAIRE - (1)Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson, France