Fatigue de compassion : des risques et des stratégies d’adaptation chez les infirmiers anesthésistes au bloc opératoire
Position du problème et objectif(s) de l’étude
La fatigue de compassion est un syndrome résultant de l’accumulation d’un stress émotionnel lié à l’empathie des soignants face à la souffrance des patients. Elle a été décrite chez les infirmiers avec une prévalence mondiale de 25%. Le syndrome de fatigue de compassion diffère de celui du burn-out, cependant leurs symptômes peuvent être confondus. L’échelle d’auto-évaluation ProQOL permet de les discriminer. La reconnaissance des symptômes et la mise en place de stratégies de prévention permettent de limiter considérablement l’impact de la fatigue de compassion sur la qualité de vie au travail. Ce syndrome n’a jamais été étudié chez les infirmiers anesthésistes bien qu’ils soient soumis aux facteurs de risque. L’objectif de cette étude est d’évaluer la reconnaissance des signes de la fatigue de compassion chez les infirmiers anesthésistes au bloc opératoire, ainsi que les stratégies de prévention et d’adaptation qu’ils mettent en place pour s’en préserver.
Matériel et méthodes
Une étude mixte séquentielle explicative, monocentrique, en deux phases a été menée sur 4 mois. Une première phase quantitative a été réalisée auprès des infirmiers anesthésistes par la diffusion d’un questionnaire en ligne Google Forms© dans les blocs opératoires d’un Centre Hospitalier Universitaire. Les données ont été analysées avec le logiciel Microsoft Excel©. Puis une phase qualitative a permis d’expliquer les premiers résultats à l’aide d’entretiens compréhensifs jusqu’à saturation des données. Les données obtenues ont été analysées à l’aide du logiciel d’analyse qualitative MAXQDA©.
Résultats & Discussion
Sur l’ensemble des infirmiers anesthésistes, 33% (n=51) des effectifs ont répondu au questionnaire. Les résultats montrent une méconnaissance de ce syndrome au sein de la population étudiée, seuls 23% (n=9) déclarent le connaître. Ils le distinguent du burn-out de façon intuitive, sans réussir à différencier les symptômes. Une minorité des professionnels interrogés (6%, n=3) connait l’échelle d’auto-évaluation ProQOL, sans jamais l’avoir réalisée. Les infirmiers anesthésistes exposés à la pédiatrie sont les plus à risque de développer des symptômes. L’étude révèle des stratégies d’adaptation au sein de cette population cible afin de prévenir le syndrome. En effet, les infirmiers anesthésistes exposés mettent en place des stratégies de « coping » qui amènent à une résilience dans leur quotidien professionnel afin de s’adapter aux situations à risque. L’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle est un facteur protecteur. Ainsi les loisirs et la pratique régulière d’une activité sportive permettent aux infirmiers anesthésistes de prévenir l’apparition de symptômes de la fatigue de compassion.
Conclusion
Cette étude montre donc que les infirmiers anesthésistes au bloc opératoire ne reconnaissent pas les signes de la fatigue de compassion bien qu’ils soient soumis aux facteurs de risque tels que l’empathie et l’exposition à la pédiatrie. Cependant ils utilisent naturellement des stratégies de prévention et d’adaptation favorisant ainsi leur qualité de vie au travail. Par ailleurs, la temporalité de leur exercice au bloc opératoire, le développement des compétences non techniques ainsi que la réflexivité seraient des facteurs supplémentaires de prévention de la fatigue de compassion chez les infirmiers anesthésistes au bloc opératoire.
Auteurs
Anne-Lise BONGRAIN, Pierre GARRÉ, Marine BION, Julie CAHUZAC, Ghislaine ROUBY - (1)Chu Montpellier, Montpellier, France