I.A.D.P : l'impact de l'âge dans l'hétéro-évaluation de la douleur postopératoire
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Avec l’augmentation de l’espérance de vie et les avancées médico-chirurgicales, un grand nombre de sujets âgés sont pris en charge au bloc opératoire 1. Un des objectifs de l’évaluation préopératoire est alors de détecter la fragilité des patients afin d’optimiser leur parcours périopératoire et de limiter la morbidité1-2. Pour cela, les douleurs postopératoires doivent être réduites. Leurs contrôles efficaces peuvent limiter l’inconfort, accélérer la récupération et prévenir le passage vers une douleur chronique 2 . La prise en charge de la douleur postopératoire débute dès le peropératoire et se poursuit en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI). Cependant, peu de données sont disponibles pour décrire l’impact de l’âge et de la fragilité sur la prise en charge des patients en SSPI. Nos objectifs sont de décrire l’impact de la fragilité sur la prise en charge de la douleur en salle de réveil. De plus, nous avons cherché à définir si la fragilité peut impacter l’évaluation par les soignants de la douleur postopératoire.
Matériel et méthodes
L’étude était observationnelle, prospective et monocentrique, conduite au CHU de Toulouse. L’ensemble des patients ont été admis en SSPI en heures ouvrées, à partir du 14/10/24 pour une durée de 4 semaines. Seuls les patients extubés à l’arrivée en salle de réveil ont été inclus. La fragilité des patients était évaluée à l’aide du score de fragilité clinique (SFC) selon Rockwood2. Les patients étaient considérés fragiles lorsque le score était > 5. L’ensemble des paramètres opératoires ont été collectés. De plus, un opérateur extérieur à la prise en charge des patients collectait leurs niveaux de douleur à l’aide d’une échelle numérique (EN) : à 5 min après l’arrivée en SSPI, à 10min, 1 heure et lors de la sortie en demandant aussi la douleur maximale ressenti en salle de réveil. De plus, il interrogeait le soignant en charge du patient afin que ce dernier estime le score de douleur du même patient à l’aide d’une EN selon la même chronologie. Si une différence entre les EN patients et EN soignants de plus de 1 point était observé, le soignant sous-estimait la douleur des patients. Pour conduire nos analyses statistiques, nous avons séparé la population en deux groupes : patients non fragiles (SFC ≤5) et patients fragiles (SFC >5).
Résultats & Discussion
Nous avons inclus 351 patients. Les principales données périopératoires sont résumées dans le tableau. Les patients fragiles présentaient plus de comorbidités en préopératoire et la proportion de chirurgies digestives et vasculaires était plus importante (p = 0.007). En SSPI, il n’existait pas de différences sur les niveaux de douleur en fonction de la fragilité. Cependant, lorsque les soignants évaluaient la douleur des patients celle des patients fragiles était significativement inférieure (2 +/-2 vs 1+/-2, p = 0.04). De plus, la sous-estimation de la douleur par les soignants était plus fréquente chez les patients fragiles (34 patients (11%) vs 10 patients (22%), p = 0.04). Enfin, la quantité de morphine administrée en SSPI était réduite chez les patients fragiles (3mg +/- 5 mg vs 2mg +/- 4, p = 0.05).
Conclusion
Ces observations soulignent la nécessité d’outils mieux adaptés et d’une sensibilisation renforcée des soignants à la douleur des personnes âgées et de leur fragilité afin d’optimiser la qualité des soins postopératoires.
Auteurs
Romane HERBEAUX (1) , David GUIEU (2), Jérémi SARRABAYROUSE (2), Judith MORELLE (2), Philippe SAUTIER (2), François LABASTE (3) - (1)Prefms Toulouse, Montauban, France, (2)Prefms Toulouse, Toulouse, France, (3)Chu De Toulouse, Toulouse, France