Perceptions des infirmiers anesthésistes face à l’anesthésie pédiatrique dans les Antilles françaises et en Guyane : évaluation multicentrique et pistes d’améliorations
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L’anesthésie pédiatrique est une discipline complexe, nécessitant des compétences techniques et relationnelles spécifiques, particulièrement dans des territoires insulaires comme les Antilles françaises et en Guyane. Ces régions, confrontées à des contraintes organisationnelles, démographiques et géographiques, doivent composer avec un accès limité aux structures de soins spécialisés, notamment en réanimation pédiatrique. Face à ces enjeux, les infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE) jouent un rôle clé. Cette étude vise à explorer leurs perceptions, leurs difficultés et leurs besoins en matière d’anesthésie pédiatrique, dans une optique d’amélioration continue de la qualité des soins.
Matériel et méthodes
Une étude multicentrique, quantitative, a été réalisée d’avril à mai 2024 auprès des IADE de (Guadeloupe, Martinique et de Cayenne). Un questionnaire structuré de 33 items, administré via un formulaire en ligne, a permis de recueillir des données sociodémographiques, professionnelles, des ressentis liés à la pratique pédiatrique et des propositions d’amélioration.
Résultats & Discussion
Au total, 61 IADE ont participé à l’étude : 25 en Guadeloupe (41%), 21 en Martinique (34%) et 15 en Guyane (25%). Le taux de participation global est élevé (71%), reflétant l’intérêt des professionnels pour le sujet. Parmi eux, 67% se sentent à l’aise en anesthésie pédiatrique. À l’inverse, les freins identifiés sont : le manque de pratique (73%), l’insuffisance de formation (45%) et l’absence de supervision (14%). Un climat d’appréhension est rapporté par 57% des répondants avant les gardes, et 87% évoquent une anxiété marquée durant leur formation initiale. En dépit de la complexité technique de l’intubation ou des voies veineuses chez l’enfant, plus de la moitié des répondants n’associent pas ces difficultés à une gêne dans leur pratique quotidienne. Sur le plan des ressources humaines, 81% estiment indispensable la mise en place d’équipes dédiées à l’anesthésie pédiatrique. Cependant, seuls 31% des répondants ont bénéficié d’une formation complémentaire en pédiatrie, majoritairement ancienne (> 1 an). Un besoin massif de formation est exprimé (97%), notamment via des outils de simulation et des diplômes universitaires adaptés. Sur le plan matériel, si la majorité des établissements disposent de chariots d’urgence pédiatrique (73%) et d’équipements spécifiques (89%), l’accès à des moniteurs d’oxygénation cérébrale reste mal connu (23% des IADE ne savent pas si leur service en possède). Enfin, les pratiques pédiatriques irrégulières constituent un frein au maintien des compétences, en contradiction avec les recommandations de la SFAR préconisant un volume minimal d’activité hebdomadaire en anesthésie pédiatrique.
Conclusion
Cette étude met en lumière les défis auxquels font face les IADE dans les départements d’outre-mer, notamment l’isolement géographique, l’irrégularité de la pratique et le manque d’opportunités de formation. Pour optimiser la prise en charge anesthésique des enfants dans ces territoires, plusieurs leviers sont à envisager : création d’équipes dédiées, développement de formations continues contextualisées (simulation, diplômes), amélioration de la collaboration IADE-MAR et valorisation des réseaux régionaux de soins pédiatriques. Une approche coordonnée, adaptée aux spécificités locales, est essentielle pour garantir la sécurité des jeunes patients et soutenir les professionnels dans leur mission.
Auteurs
Elsa VIDAL (1) , Anny-Claude BRAZIER (1), Charline RIAUD (1), Anne-Christele DZIERZECK (2), Amélie ROLLÉ (2) - (1)Chu De La Guadeloupe, Guadeloupe, (2)Chu De La Guadeloupe, Guadeloupe, France