Prédiction du sevrage de l’assistance cardio-respiratoire par ECMO (Extracorporeal Membrane Oxygenation) veino-artérielle (V-A) à l’aide de modèles d’apprentissage automatique exploitant des données massives
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L’ECMO est une technique de support cardio-respiratoire utilisée chez les patients en insuffisance cardiaque ou respiratoire aiguë sévère. Bien que l’ECMO puisse sauver des vies, elle comporte des risques importants, notamment une morbidité et une mortalité élevées. Actuellement, les critères de sevrage reposent sur des études limitées et peu robustes. L’apprentissage automatique reste inexploré pour le sevrage de l’ECMO V-A. L’objectif principal de notre étude était de prédire le succès du sevrage de l’assistance cardiaque par ECMO.
Matériel et méthodes
Cette étude rétrospective, observationnelle et monocentrique a inclus des patients admis en réanimation entre janvier 2020 et janvier 2023. Les données ont été obtenues à partir de l’entrepôt de données de l’hôpital. Les modèles de prédiction en apprentissage automatique incluaient la régression logistique (Lasso, Elastic Net), les méthodes ensemblistes (Random Forest, XGBoost), les machines à vecteurs de support et les plus proches voisins (KNN). Les modèles ont été entraînés après partition des données en ensembles d’apprentissage et de test (70/30). Les explications additives de Shapley (SHAP) ont servi à évaluer l'importance des différentes caractéristiques.
Résultats & Discussion
L’ensemble d’apprentissage comprenait 81 patients et l’ensemble de test 41 patients. Les caractéristiques étaient globalement comparables, sauf une proportion plus élevée de diabétiques traités dans l’ensemble d’apprentissage. La majorité étaient des hommes (78 %) avec un âge médian de 59 ans et une gravité intermédiaire (SAPS II entre 30 et 59). L’implantation des canules d’ECMO était essentiellement fémo-fémorale. Après traitement des données, les modèles ensemblistes (Random Forest, XGBoost) et KNN ont montré une performance supérieure aux autres techniques d’apprentissage automatique. Le modèle XGBoost affichait la meilleure AUC à 0,86 (IC 95 % : 0,72–0,96), témoignant d'une capacité prédictive élevée malgré une variabilité. À un seuil fixé à 0,5, les modèles présentaient une sensibilité élevée mais une spécificité plus faible. Les variables déterminantes comprenaient le débit d’ECMO des dernières 24 heures, la FmO₂ et la durée totale d'implantation. L’analyse SHAP confirmait l’importance prépondérante de ces paramètres liés aux réglages de la machine dans la prédiction du succès d’explantation.
Conclusion
Cette étude démontre le potentiel des modèles d'apprentissage automatique pour prédire le succès du sevrage de l'ECMO V-A. Malgré certaines limitations en termes de variabilité des résultats, les modèles ont montré de bonnes valeurs prédictives négatives sur un faible nombre de patients. Pour autant, l'intégration de variables inhérentes aux machines d'ECMO et l'exploration de critères supplémentaires sont nécessaires pour améliorer la prédiction. Ces résultats ouvrent la voie à des approches plus précises dans la gestion des patients sous ECMO V-A à partir de « dashboard » délivrant des prédictions de manière automatisée à partir de données massives recueillies en continu.
Auteurs
Mathieu BEAUDEAU (1) , Boris DELANGE (2), Jean-Philippe VERHOYE (3), Erwan FLECHER (3), Marc CUGGIA (2), Nicolas NESSELER (1) - (1)Département D'anesthésie-Réanimation, Chu De Rennes, Rennes, France, (2)Chu Rennes, Inserm, Ltsi-Umr 1099, Univ Rennes, Rennes, France, (3)Département De Chirurgie Cardiovasculaire Et Thoracique, Chu De Rennes, Rennes, France