Impact de l’administration systématique ou retardée de fibrinogène en chirurgie cardiaque congénitale pédiatrique sur le saignement sévère post-opératoire : étude monocentrique observationnelle
Position du problème et objectif(s) de l’étude
L’administration de fibrinogène de manière empirique en chirurgie cardiaque congénitale pédiatrique est très courante (1) et ce malgré la possibilité d’obtenir des données d’hémostase délocalisée en quelques minutes. De plus, une attitude « séquentielle » consistant en une administration uniquement en cas de persistance d’un saignement clinique jugé important n’a pas été évaluée. Notre étude vise à identifier les facteurs favorisant l’administration systématique versus retardée de fibrinogène et à évaluer leur impact sur le saignement post-opératoire sévère.
Matériel et méthodes
Étude observationnelle monocentrique rétrospective incluant les patients de moins de 10 kg opérés sous circulation extracorporelle (CEC) entre janvier 2023 et décembre 2024. L’administration du fibrinogène a été définie comme « systématique » si elle était réalisée dans les 10 min suivant l’antagonisation de l’héparine et « retardée » au-delà (temps permettant d’évaluer la persistance d’un saignement per opératoire ou de récupérer les résultats d’hémostase délocalisée). Le critère de jugement principal est le saignement post-opératoire sévère à J1, défini par des pertes > 84 mL/kg/24h (2). Les variables recueillies ont été analysés par test de Wilcoxon et de Fisher, suivie par une régression logistique multivariée pour les facteurs de risques.
Résultats & Discussion
Sur 650 patients inclus, 328 (50%) ont reçu du fibrinogène, dont 232 (71%) de manière systématique. Les facteurs associés à une administration systématique de fibrinogène étaient un âge plus jeune (4 [1-8] vs 5 [3-10] mois, p=0,007), une durée de CEC plus longue (105 [75-129] vs 90 [65-118] min, p=0,019) et l’absence d’antécédent de sternotomie (10% vs 27%, p<0,001) (Table 1). 26 patients (4%) ont présenté un saignement post opératoire sévère. Les facteurs de risques associés étaient une durée de CEC prolongée (136 [96-190] vs 77 [50-105] min, p<0,001), une dose de protamine élevée (1157 [946-1478] vs 850 [677-1062] UI/kg, p<0,001), l’administration systématique de fibrinogène (61% vs 35%, p=0,024) et un score RACHS-2 ≥ 3 (71% vs 27%, p<0,001). Après ajustement, seul le score RACHS-2 ≥ 3 restait significatif (OR 5,6 ; IC95% [1,3-39,4]) (Table 2).
Conclusion
L’administration systématique de fibrinogène était plus fréquente chez les patients plus jeunes, redux, et ayant une CEC prolongée. L’administration systématique de fibrinogène n’était pas associée à une réduction du saignement post-opératoire sévère.
Auteurs
Guichen JIN (1) , Avit GUIRIMAND (1), Ludovica BIONDI (1), Emre BELLI (2), Iolanda ION (1), Sacha ROZENCWAJG (1) - (1)Anesthésie Et Médecine Péri-Opératoire, Hôpital Marie Lannelongue, Le Plessis Robinson, France, (2)Chirurgie Cardiaque Congénitale, Hôpital Marie Lannelongue, Le Plessis Robinson, France