Relation entre le ratio neutrophiles sur lymphocytes et l'insulinorésistance postopératoire après chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle
Position du problème et objectif(s) de l’étude
La chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle (CEC) induit une réponse inflammatoire systémique via la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, entrainant des perturbations endocriniennes et métaboliques majeures. Il en résulte une insulinorésistance (IR) transitoire contribuant à une hyperglycémie de stress, augmentant la morbidité et la mortalité postopératoire des patients diabétiques et non diabétiques. La persistance de l’IR en sortie de réanimation ou >48h après la chirurgie nécessite une vigilance particulière en raison du relais nécessaire par insulinothérapie sous-cutanée (SC) pour atteindre les objectifs du contrôle glycémique. Le ratio neutrophile sur lymphocyte (RNL) est un biomarqueur de l’inflammation systémique. L’objectif de cette étude était de décrire le lien entre le RNL et la persistance d’une IR nécessitant un relais par insuline SC.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective observationnelle monocentrique ayant inclus les patients adultes non diabétiques et diabétiques non insulinorequérants opérés d’une chirurgie cardiaque programmée sous CEC. Le consentement écrit des patients inclus n’était pas requis. Le contrôle glycémique au cours des 48 premières heures postopératoires ou jusqu’à sortie de réanimation (selon l’événement survenant en 1er) était effectué par un protocole validé d’insulinothérapie intraveineuse (IV) visant à maintenir la glycémie entre 1,00 et 1,40 g/L. Les patients ont été répartis en 2 groupes : groupe IR, incluant les patients nécessitant un relais par insuline SC (dose d’insuline IV ³ 1 UI/h à 48h post-opératoire ou en sortie de réanimation (selon l’événement survenant en 1er), et le groupe contrôle. Le critère de jugement principal était le RNL, calculé à partir des données de la numération formule sanguine réalisée à l’admission en réanimation post-opératoire. Les critères de jugement secondaires étaient l’indice de sensibilité à l’insuline (ISI) défini par le ratio de la glycémie moyenne (mmol/l) et de la dose totale d’insuline, la glycémie moyenne, la dose totale d’insuline et le coefficient de variabilité glycémique (CV) au cours des 48 premières heures post-opératoires. Les résultats sont présentés en médiane [interquartile] et nombre de patients (pourcentage).
Résultats & Discussion
214 patients ont été inclus, dont 62 (29 %) dans le groupe IR (âge : 67 [64-69] vs 64 [62-66] ans ; homme : 47 (75%) vs 120 (78%) ; diabète : 21 (34%) vs 44 (28%) ; Euroscore II : 5,3 [3,9-6,8] vs 4,0 [3,5-4,5] % ; respectivement dans les groupes IR et contrôle). L’ISI était significativement plus faible (0,30 [0,26-0,35] vs 0,38 [0,35-0,41] mmol/L/UI, p=0,04), et la glycémie moyenne (1,40 [1,36-1,44] vs 1,32 [1,30-1,34] g/l, p=0,0003) et la dose totale d’insuline (35 [29-41] vs 23 [21-25] UI, p=0,0004) significativement plus élevées dans le groupe IR. Le CV ne différait entre les 2 groupes (19 [17-21] vs 17 [16-18] %, p=0,09 ; respectivement dans les groupes IR et contrôle). Le RNL n'était pas statistiquement différent entre les 2 groupes [12 [10-14] vs 13 [11-14], p = 0,40). Aucune corrélation significative n’était observée entre le RNL et l’ISI (r = -0,026, p=0,71) (Figure 1).
Conclusion
Le RNL ne permet pas d’identifier précocément les patients opérés d’une chirurgie cardiaque sous ECEC susceptibles de nécessiter un relais par insuline SC et une vigilance accrue pour le contrôle glycémique postopératoire après sortie de réanimation.
Auteurs
Chloé JACQUEMARD, Magalie REYNAUD, Romain BRONNERT, Tommy GRELET, Sebastien PILI-FLOURY, Guillaume BESCH - (1)Chu Besançon, Besançon, France