Scoping review des innovations récentes issues des zones de guerre permettant d’améliorer la prise en charge des traumatisés graves dans des environnements aux ressources limitées
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Dans un contexte géopolitique instable et face à l’hypothèse d’engagements majeurs, les anesthésistes-réanimateurs et urgentistes civils peuvent tirer profit des récentes avancées de la médecine militaire [1]. Les conflits modernes, dits « hybrides », se caractérisent par des lignes de front mouvantes, des mécanismes lésionnels multiples (blessures par explosions, par balles, brûlures, associés à des tirs d’artillerie, à des drones, à des armes thermobariques, …) et des ressources souvent limitées dans des environnements austères [2]. Cette revue a pour objectif de recenser les innovations apparues dans le domaine de la prise en charge du traumatisé sévère en zone de guerre et d’en examiner la transposabilité à d’autres environnements aux ressources limitées, qu’ils soient civils ou militaires.
Matériel et méthodes
En s’appuyant sur les enseignements tirés des conflits récents en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et dans la zone Indopacifique, une revue de la littérature a été réalisée pour la période allant de janvier 2014 à février 2025, conformément aux recommandations PRISMA. Les bases de données PubMed, Embase, Scopus, Cochrane Library, Web of Science et Opengrey ont été interrogées. Seules les études portant sur des interventions diagnostiques et thérapeutiques innovantes chez des blessés de guerre dans des environnements aux ressources limitées ont été incluses.
Résultats & Discussion
Trente-neuf études ont été retenues (Figure 1). Ces travaux ont mis en lumière plusieurs grands domaines d’innovation (Tableau 1). L’emploi d’échographes portables et d’applications pour smartphones permet d’établir un diagnostic rapide en l’absence de matériel d’imagerie conventionnel. L’implémentation de kits de soins prolongés sur le terrain, combinée à des systèmes de surveillance basés sur l’intelligence artificielle, a amélioré la prise en charge des patients présentant des hémorragies massives ou des traumatismes crâniens. Ces systèmes offrent une surveillance continue des paramètres vitaux et facilitent une prise de décision rapide pour adapter les traitements en temps réel. Par ailleurs, devant un choc hémorragique, des techniques de damage control ressuscitation incluant la transfusion de sang total chaud, de produits sanguins lyophilisés et l’utilisation de dispositifs de récupération autologue du sang, ont constitué des avancées majeures dans le traitement des chocs hémorragiques en environnement isolé. Des progrès significatifs ont également été réalisés en chirurgie grâce à l’introduction de plateformes ultra-portables et d’outils chirurgicaux improvisés, permettant la réalisation d’interventions vitales directement sur le terrain. Enfin, l’adaptation de protocoles de formation, intégrant des modules de réalité augmentée et des dispositifs de télémédecine, a permis de renforcer les compétences du personnel soignant déployé dans ces zones de conflit. Ces programmes de formation spécifiques, combinés à des stratégies d’optimisation logistique, ont contribué à améliorer les délais et la qualité de la prise en charge médicale.
Conclusion
Les innovations développées sur les zones de guerre offrent des perspectives intéressantes pour la prise en charge des blessés dans des environnements austères [3]. Bien que certaines approches restent en phase expérimentale, une collaboration renforcée entre professionnels civils et militaires apparaît indispensable pour valider ces avancées et contribuer à améliorer la prise en charge des blessés dans des environnements aux ressources limitées.
Auteurs
Audrey JARRASSIER (1) , Gael DE ROCQUIGNY (1), Cécile DELAGARDE (1), Anne-Cécile EZANNO (2), Florent JOSSE (3), Pierre PASQUIER (4) - (1)Département D'anesthésie Réanimation, Hôpital National D'instruction Des Armées Bégin, Saint-Mandé, France, (2)Service De Chirurgie Digestive, Hôpital National D'instruction Des Armées Bégin, Saint-Mandé, France, (3)Department Of Anesthesiology, Critical Care And Emergency Medicine, Bundeswehr Hospital, Ulm, Allemagne, (4)Académie De Santé Des Armées – École Du Val-De-Grâce, Paris, France – Écoles Militaires De Santé, Lyon-Bron, Paris, France