Prévalence des traumatismes pénétrants par agression (arme à feu et arme blanche) et mortalité hospitalière dans un territoire français d’outre-mer : TRAUMARME
Position du problème et objectif(s) de l’étude
Les traumatismes pénétrants (TP) par arme à feu (AF) ou arme blanche (AB) représentent un problème de santé publique croissant en Guadeloupe. L’incidence des TP liés aux agressions constitue un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale. La Guadeloupe, département français d’outre-mer, est directement concernée, avec un taux d’homicide de 9,4 pour 100 000 habitants en 2023, en hausse de 33,3 % par rapport à 2022, la plaçant au deuxième rang national derrière la Guyane. Notre objectif principal était de déterminer la prévalence de la mortalité des patients pris en charge pour TP par agression. L’objectif secondaire était de déterminer les facteurs prédictifs de mortalité.
Matériel et méthodes
Étude observationnelle rétrospective incluant les patients victimes de TP pris en charge par le SMUR ou aux urgences du CHU de Guadeloupe, entre janvier 2019 et décembre 2023. Les données recueillies comprenaient les caractéristiques démographiques, cliniques, biologiques, thérapeutiques et les issues (décès à J1-J7-J30, admission en réanimation). Les comparaisons ont été réalisées par tests de Mann-Whitney, Chi² ou Fisher. Une régression logistique multivariée a identifié les facteurs associés à la mortalité.
Résultats & Discussion
Sur 3032 dossiers identifiés, 1413 patients ont été inclus (401 par AF, 1012 par AB). La population était majoritairement masculine (89,1 %) avec un âge médian de 30 ans. La mortalité globale à J30 était de 4,2 %, mais atteignait 12,5 % dans le groupe AF versus 1 % dans le groupe AB (p<0,05). La majorité des décès (76,7 %) survenait en phase préhospitalière. Les plaies thoraciques (ORa = 4,96 [1,79–13,82]) et vasculaires (ORa = 4,07 [1,02–16,26]) étaient indépendamment associées à la mortalité. Un Shock Index initial hospitalier >0,9 (ORa = 2,80 [1,36–5,74]) prédisait l’admission en réanimation, tout comme les plaies thoraciques (ORa = 3,40 [1,76–6,57]) et vasculaires (ORa = 2,82 [1,01–7,82]). L’atteinte par AF augmentait significativement le risque de décès (ORa = 5,59 [1,86–16,78]). Les patients décédés recevaient plus souvent des traitements d’urgence avancés (intubation 31,7 %, vasopresseurs 33,3 %, thoracostomie bilatérale 11,7 %, p<0,05). Les lactates >2 mmol/L et un Shock Index élevé étaient associés à la gravité, mais les données incomplètes ont limité leur valeur prédictive de mortalité. L’alcoolémie positive était fréquente (16,3 %) sans lien statistique avec la mortalité.
Conclusion
Cette étude met en évidence une mortalité significativement plus élevée chez les victimes de plaies par arme à feu, particulièrement en cas de plaie thoracique ou vasculaire. L’identification précoce des signes de gravité, comme un Shock Index >0,9, pourrait orienter précocement les décisions vers une prise en charge spécialisée. Le développement d’un registre régional de traumatologie faciliterait l’analyse prospective et l’amélioration des pratiques. Une standardisation des protocoles de transfusion massive, adaptée au contexte antillais, est également nécessaire pour optimiser la prise en charge.
Auteurs
Marie PASQUETTE, Guillaume MALLET, Amélie ROLLÉ - (1)Chu De La Guadeloupe, Guadeloupe, France