Anesthésie générale avec intubation pour oesogastroduodénoscopie en urgence pour hémorragie digestive haute : sécurité et impact sur ses performances diagnostique et thérapeutique
Position du problème et objectif(s) de l’étude
La place de l’anesthésie générale avec intubation trachéale (AGT) pour les oesogastroduodénoscopies (OGD) en urgence pour hémorragie digestive haute (HDH) est discutée. L’AGT pourrait permettre un meilleur diagnostic et faciliter le geste d’hémostase endoscopique. Toutefois, des études, sans ajustement sur la gravité, retrouvent une association entre l’AGT et les complications cardiaques et respiratoires. Nous avons conduit une étude afin d’évaluer la sécurité de l’AGT et son impact sur les performances diagnostique et thérapeutique de l’OGD.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective. Les patients admis de septembre 2020 à octobre 2022 ayant eu une OGD pour suspicion d’HDH ont été inclus. Les patients avec AGT ont été comparés à ceux sans AGT (OGD vigile, anesthésie locale pharyngée). Les critères de jugements étaient : taux de diagnostic et de stade de gravité endoscopiques erronés (performance diagnostique), taux et délai du geste d’hémostase complet (performance thérapeutique), tolérance, complications cardiorespiratoires (sécurité). Nous avons procédé à une analyse sans ajustement, puis, pour tenir compte de la différence de gravité entre les 2 groupes, à une pondération de type IPTW.
Résultats & Discussion
218 patients ont été inclus (AGT : n=62, sans AGT : n=156). Les patients avec AGT était plus sévères (SAPS II médian 36 (26;48), versus 24 (18;29), p<0.001), étaient plus souvent en choc hémorragique et l’étiologie était plus souvent une rupture de varice oesophagienne (26 (41.9%), versus 22 (14.1%), p<0.001). Le taux de diagnostic erroné était plus élevé dans le groupe sans AGT (8 (5.1%) versus 0 (0%), p=0.1). Le taux de stade de gravité endoscopique erroné était plus élevé dans le groupe sans AGT (10 (6.4%), versus 1 (1.6%), p=0.186). Les taux de geste d’hémostase complet n’étaient pas différents entre les 2 groupes (sans AGT : 144 (92.3%), versus 55 (88.7%), p=0.262). Le délai médian de réalisation d’un geste d’hémostase complet était allongé dans le groupe sans AGT (13.5h (5.3;19.9)), versus 6.1h (1.8;18.7), p=0.007). La tolérance était jugée satisfaisante chez 62% des patients sans AGT et chez 100% des patients avec AGT (p<0.001). Une seule OGD était nécessaire chez 121 patients (74.7%) dans le groupe sans AGT contre 53 patients (85.4%) dans le groupe avec AGT (p=0.106). Les complications respiratoires étaient plus fréquentes dans le groupe avec AGT (19 patients (30.6%), versus 10 (6.1%), p<0.001). Aucun syndrome coronarien aigu n’a été observé. Après pondération de type IPTW (tableau 1), on retrouvait toujours une association entre OGD sous AGT et délai raccourci du geste d’hémostase (-5.85h, 95%CI (-9.39;-2.31)), p<0.001). L’AGT était associée au fait qu’une seule OGD soit requise (OR 6.28, 95%CI (2.15;18.37), p<0.001). L’AGT était associée à un risque réduit de complication respiratoire (OR 0.13, 95%IC (0.02;0.98), p=0.047). Il n’y avait pas d’association entre AGT et mortalité.
Conclusion
Nos résultats suggèrent que la réalisation d’une AGT pour les OGD pour HDH pourrait améliorer les performances diagnostique et thérapeutique de ce geste, sans surcroit de complication et avec une meilleure tolérance, conduisant à réduire le recours à plusieurs OGD pour un même épisode d’HDH.
Auteurs
Théo POUFARIN, Romain MIGUEL MONTANES - (1)Anesthésie-Réanimation, Tours, France