19 septembre 2025
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Prise en charge chirurgicale versus médicale des ischémies mésentériques non occlusives en réanimation : étude rétrospective d’une cohorte de 298 patients

Position du problème et objectif(s) de l’étude

L'ischémie digestive non occlusive (IDNO) est une pathologie grave en réanimation, associée à une mortalité élevée. En l'absence de critères diagnostiques fiables, la décision opératoire repose sur une évaluation empirique. Cette étude vise à comparer les caractéristiques des patients traités médicalement ou chirurgicalement, et à analyser les facteurs associés aux issues peropératoires : résection intestinale, ischémie dépassée et laparotomie blanche.

Matériel et méthodes

Étude rétrospective monocentrique conduite au CHU Amiens-Picardie de 2013 à 2023. Étaient inclus tous les patients adultes ayant une IDNO documentée par imagerie, endoscopie ou laparotomie. Le critère principal était l’identification des facteurs associés au recours à la chirurgie. Les critères secondaires incluaient la mortalité hospitalière, la survie à 90 jours et l'analyse des issues opératoires.

Résultats & Discussion

Parmi 298 patients inclus, 168 (56 %) ont été opérés. Les patients chirurgicaux présentaient plus fréquemment une hypertension artérielle (69 % vs 53 %, p=0,006) et une cardiopathie ischémique (25 % vs 13 %, p=0,01).
Le scanner injecté était l'examen principal (44 %), avec une sensibilité de 40 % et une spécificité de 61 % pour prédire une résection chirurgicale. La combinaison scanner + endoscopie augmentait la spécificité à 68 %.
La chirurgie était associée à une réduction de la mortalité hospitalière (90 % vs 97 %, p=0,018) et à une survie à 90 jours supérieure (10 % vs 2 %, p=0,006). Parmi les patients opérés, 127 (75,6 %) ont bénéficié d'une résection intestinale, 32 (19 %) présentaient une ischémie dépassée et 9 (5,4 %) ont eu une laparotomie blanche.
L’exposition à de fortes doses de noradrénaline (>2,4 µg/kg/min), une acidose métabolique plus sévère (pH plus bas) et une PaO₂ diminuée étaient associées à l’évolution vers une ischémie dépassée.
Les laparotomies blanches et les ischémies dépassées traduisent les limites des critères décisionnels actuels, malgré l'imagerie et la biologie.

Conclusion

Chez les patients de réanimation atteints d'IDNO, la chirurgie est associée à une amélioration du pronostic hospitalier. Toutefois, la fréquence des ischémies dépassées et des laparotomies blanches souligne l’insuffisance des critères cliniques et radiologiques disponibles.
Les performances modestes des examens diagnostiques imposent une approche multimodale intégrant imagerie, biologie et évaluation clinique.
Le développement d’outils d’aide à la décision pourrait permettre d’améliorer la sélection des patients chirurgicaux, d'intervenir plus précocement et de limiter les interventions inutiles.

Auteurs

Quintana SOULIER, Oussama NANAI, Idriss BRAHIM, Hervé DUPONT - (1)Chu Amiens, Amiens, France

Orateur(s)

Oussama NANAI  (Amiens)