19 septembre 2025
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Incidence du rebond douloureux après retrait d'une analgésie péridurale thoracique en chirurgie abdominale majeure

Position du problème et objectif(s) de l’étude

L'analgésie péridurale thoracique (APT) est la technique de référence pour le contrôle de la douleur en chirurgie abdominale majeure (CAM). Son sevrage est cependant susceptible d’entraîner un rebond douloureux (RD) qui correspond à une réapparition brutale et importante de la douleur. Les conséquences d’un RD après CAM sont mal connues. Devant cette insuffisance de données nous nous sommes intéressés à l’incidence du RD après retrait de l’APT pour des CAM, à ses facteurs de risque et à sa morbidité.

Matériel et méthodes

Notre étude est observationnelle prospective monocentrique menée entre février 2024 et février 2025. 141 patients opérés de chirurgies abdominales majeures avec APT ont été inclus. Le critère de jugement principal était la survenue d’un RD (augmentation de la douleur > 3 points sur une échelle numérique (EN) dans les 24 heures suivant le retrait de l’APT). Ce protocole de recherche a été réalisé hors Loi Jardé car n’impliquant pas la personne humaine (numéro IRB du CPP 2206723) et est conforme à la méthodologie MR004. La non-opposition orale du patient a été recherchée au moment de l’inclusion.

Résultats & Discussion

L’APT était en médiane [EI] sevrée au 5ème jour [4-5] postopératoire. Le relais analgésique était réalisé par palier 3 à libération immédiate (40%), PCA morphine (29%), et morphine péridurale (16%). Un RD a été observé chez 38% des patients (IC 95% [30–47%]), sans différence significative concernant les modalités du relais analgésique. Les facteurs de risque de RD en analyse multivariée comprenaient une EN ≤2 avant le retrait de l’APT (OR=3,27 ; IC95% [1,42-8,03], p = 0,007) et un retrait tardif du cathéter (≥ 5 jours postopératoires) (OR = 3,85, IC95% [1,75-9,00], p = 0,001). La durée de séjour était significativement plus longue dans le groupe RD (16 [10-22] vs 12 [8-16] jours, p = 0,020). Les relais analgésiques comprenaient peu d’AINS (2 patients). En effet les AINS sont peu prescrits en chirurgie digestive, soit par crainte d’une perturbation de la cicatrisation des anastomoses digestives, soit en lien avec le terrain des patients. Les APT étant souvent retirées le matin, les EN sont recueillies après la mobilisation du patient (toilette, mise au fauteuil, kinésithérapie, etc.) lorsque le relai antalgique n’est pas toujours correctement installé. C’est une des raisons pour laquelle les EN sont élevées les premières heures post-retrait. Aussi ce s’explique car la régression des effets des anesthésiques locaux en péridural a lieu dans les 6 à 9 heures suivant l’arrêt de la perfusion. Un bolus de morphine péridural a montré son efficacité en contexte obstétrical post-césarienne mais nous ne l’avons pas retrouvée ici (8 (15%) vs 14 (16%), p = 0.9). La prolongation de la durée de séjour (16 vs 12 jours (p = 0,02)) peut s'expliquer par un effet intrinsèque du RD mais peut aussi etre causée par des biais de confusion.

Conclusion

Un RD au sevrage de l’APT après CAM est un phénomène fréquent, potentiellement associé à un prolongement de la durée de séjour. Des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer les stratégies visant à optimiser le sevrage de l’APT en contexte chirurgical.

Auteurs

Guillaume PORTA BONETE (1) , Etienne VERNOCHET (2) - (1)Ph, Toulouse, France, (2)Interne, Toulouse, France

Orateur(s)